HOMMAGE – Robert Hossein : De Joffrey à Jésus…

À 93 ans, Robert Hossein a quitté la piste aux étoiles, celle où sur les planches des théâtres ou devant les projecteurs du cinéma ou de la télé, il avait choisi de faire rêver le monde.

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Rien n’était trop grand pour celui qui était profondément croyant et qui fustigeait les artistes donneurs de leçon.

Cinq « Angélique, Marquise des Anges » pour entrer dans la légende…
Aucun défi n’était trop grand pour lui, il voulait remettre le public au théâtre, au centre, à sa place. Et pour cela, rien n’était impossible. Pourtant, les spectateurs se souviendront de lui comme le Joffrey de Peyrac de « Angélique, Marquise des Anges », aux côtés de Michèle Mercier. Dans ces années 60, 5 films de Bernard Borderie, d’après les livres d’Anne et Serge Golon, étaient sortis dans les salles et depuis, elle formait un couple à l’écran avec Robert Hossein : « Angélique, Marquise des Anges » (1964), « Angélique et le Roy (1965), « Indomptable Angélique » et « Merveilleuse Angélique » (1967), « Angélique et le Sultan » (1968). La niçoise, Michèle Mercier, ne lui pardonnera jamais de n’avoir pas été associée à la mise en scène au théâtre de ladite Marquise… Pourtant, quand ils tournaient ensemble, aucun nuage entre eux, plutôt le bonheur de jouer entre deux comédiens d’exception. Il impose sa gueule cassée et sa voix éraillée et devient du jour au lendemain, une légende, une star, un jeune premier qui rend fou les demoiselles de France. On se souvient de cette réplique à Angélique : « Madame, je ne force jamais une biche aux abois » …

Son « Théâtre populaire » à Reims…
Robert Hossein était né le 30 décembre 1927, d’un père iranien zoroastrien de Samarcande, compositeur, et d’une mère russe orthodoxe de Kiev, comédienne. Son vrai nom était Abraham Hosseinoff et il n’avait connu que la pauvreté lorsqu’à l’âge de 15 ans, il décide de se consacrer à l’art dramatique. Sa consécration théâtrale, il la connaîtra à Reims où il fonde son « théâtre populaire » de 1971 à 1976. Il y mettra en scène des œuvres de Dostoïevski (Crime et châtiment), de Gorki (Les Bas-Fonds), de Shakespeare (Roméo et Juliette), tout en révélant de nombreux comédiens :  Isabelle Adjani dans « La Maison de Bernarda » (1973) de Lorca, Isabelle Huppert  pour « Pour qui sonne le glas » d’après Hemingway, Anémone dans « La Prison » d’après Simenon, Jacques Villeret pour « Les Fourberies de Scapin » de Molière, et Jacques Weber dans « Crime et châtiment » et « Les Bas-Fonds »… Jacques Weber a dit de lui : « C’est un fou furieux mais il est de ces gens qui font du bien au monde ». Il voudra faire « Du théâtre comme vous n’en voyez qu’au cinéma ». L’expérience prendra fin faute d’argent pour mettre en scène ses luxueuses pièces.

L’ami de Brigitte Bardot…
Au cinéma, de 1948 à 2019, il jouera dans de nombreux films où il donnera notamment la réplique à Brigitte Bardot dans « Du rififi chez les hommes » (1955) de Jules Dassin, puis dans « Le repos du guerrier » (1962) de Roger Vadim… BB ne se remet pas du décès de son « merveilleux guerrier ». Il partageait avec elle son amour des animaux et de Saint-Tropez. Il sera aussi le partenaire de Sophia Loren dans « Madame sans-gêne » de Christian Jaque (1961). Il retrouvera Vadim pour « Le Vice et la Vertu » (1963), puis « Barbarella » (1968). Ce seront aussi « Les Grands Chemins » de Christian Marquand, ou encore « La Musica » (1967) de Marguerite Duras qui l’a agonisé de remontrances mais qui lui a donné ses meilleures critiques dans la presse.

De « grands spectacles » historiques…
Ce qui restera de Robert Hossein, c’est son goût pour la démesure. Ces « grands spectacles », après Reims, il les montera à Paris avec de puissants mécènes. Au Palais des Sports, où il créera « La Prodigieuse Aventure du Cuirassé Potemkine » en 1975. Alain Decaux et Georges Soria ont veillé sur la partie historique tandis que le son va de Chostakovitch à Jean Ferrat. Puis, avec André Castelot, ce sera « Notre-Dame-de-Paris » (1978), « Danton et Robespierre » (1978), « Les Misérables » (1980), « Un homme nommé Jésus » (1983), « La Liberté ou la Mort » (1988), « Je m’appelais Marie-Antoinette » (1993), « 1940-1945 : de Gaulle, celui qui a dit non » (1999). À chaque fois, le succès est au rendez-vous. Il fera voter les spectateurs en fin de spectacle. Marie-Antoinette sera exilée, quant à « L’Affaire Seznec, un procès impitoyable », en 2010, c’est l’innocence qui aura les faveurs du public. Il connaîtra aussi quelques échecs avec son « Jules César » (1985), ou pour « Dans la Nuit, la Liberté » (1989) de son ami Frédéric Dard. Son pire revers, il le vivra avec « Angélique, marquise des anges » en 1995, où il avait choisi de jouer son propre rôle, à 68 ans. Dans les années 2000, il fera encore de grandes choses avec « Jésus, la résurrection » (2000), « C’était Bonaparte » (2002), « On achève bien les chevaux » (2004), et un gigantesque « Ben-Hur » avec une course de 7 chars tirés par 28 chevaux au Stade de France (2004, 500 figurants, 13 millions d’euros).

Sa foi catholique comme moteur de ses derniers spectacles…
Mais Robert Hossein sait que ses spectacles ne peuvent plus être montés, les temps ont changé. Il devient directeur du Théâtre Marigny, à Paris, en 2000, qu’il rénove entièrement. Il rouvre avec Isabelle Adjani dans « La Dame aux camélias », mis en scène par Alfredo Arias, mais aussi « Huis clos » de Sartre, et « Crime et châtiment », d’après Dostoïevski, et retrouve Jean-Paul Belmondo dans « Kean » d’après Dumas, et « Cyrano de Bergerac » de Rostand (1987 et 1990). En 2008, Robert Hossein quitte la direction artistique du Marigny. À 80 ans, ses préoccupations sont désormais la foi catholique qu’il a adoptée, comme le témoignent ses derniers spectacles : « N’ayez pas peur ! Jean Paul II » au Palais des sports, et « Une femme nommée Marie », créé pour un seul soir d’août de 2011, et joué devant 25 000 spectateurs et 1 500 malades à Lourdes. Après plusieurs livres de souvenirs, « La Sentinelle aveugle », « La Nostalgie » …, il signe un dernier ouvrage en 2016 : « Je crois en l’homme parce que je crois en Dieu » (Presses de la Renaissance). Il aura attiré des centaines de milliers de spectateurs et a marqué l’histoire, tant du cinéma que du théâtre. Il est décédé le dernier jour de 2020, le jeudi 31 décembre, au lendemain de son anniversaire à la suite « d’un problème respiratoire » d’après son épouse, la comédienne Candice Patou. Un géant est mort, de Joffrey à Jésus, il aura tout vécu en « grand ».

Pascal Gaymard

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