LITTÉRATURE : Jean-Marie Rouart : Prix Audiberti 2024

Depuis 1989, le Prix Audiberti a acquis une belle renommée et fait rayonner la ville d’Antibes Juan-les-Pins dont le lycée porte le nom, bd Wilson.

0

C’est l’écrivain, Jean-Marie Rouart, qui s’est vu attribuer ce prestigieux prix pour cette année 2024, « pour l’ensemble de son œuvre », selon l’expression consacrée, soit 50 ans de parutions.

L’Interallié puis le Renaudot…

C’est toujours à la Villa Eilenroc que le président du Jury, l’écrivain, Didier Van Cauwelaert, en présence de tous les membres du Jury et du maire d’Antibes Juan-les-Pins, Jean Leonetti, a présenté l’auteur lauréat, Jean-Marie Rouart. En amont, l’écrivain avait rencontré les lycéens dans l’auditorium de la Médiathèque Albert Camus d’Antibes. Didier Van Cauwelaert a rappelé le parcours du lauréat 2024, membre de l’Académie Française depuis 1997, officier de la Légion d’Honneur et de l’ordre national du Mérite. C’est en 1974 qu’il publie son premier roman, « La Fuite en Pologne » qui précède « La Blessure de Georges Aslo » en 1975, « Les Feux du Pouvoir » en 1977 qui lui vaudra le Prix Interallié. Puis, ce sera « Le Mythomane » en 1980, et « Avant-Guerre » en 1983 qui lui permet de décrocher le Prix Renaudot. Les 10 années suivantes, il publie, pas moins de 6 romans : « Le Cavalier Blessé » (1987), « La Femme de Proie » (1989), « Le Voleur de Jeunesse » (1990), « Le Goût du Malheur » (1993), et « L’Invention de l’Amour » (1997).

Académicien élu le 18 décembre 1997

Parmi ses essais, nous retiendrons « Ils ont choisi la Nuit » en 1985, qui lui assurera un Prix de l’Académie Française. Il revient sur tous les écrivains qui ont choisi de se suicider. Il fera aussi de l’innocence d’Omar Raddad, son combat dans « Omar, la construction d’un coupable » en 1994. Il est aussi l’auteur d’une biographie du Duc de Morny, « Morny, un voluptueux au pouvoir » en 1995, et enfin, un essai sur le succès ou l’échec dans « La Noblesse des Vaincus » en 1998. Il s’est vu décerner le prix Pierre de Monaco pour l’ensemble de son œuvre et a mené, à côté de son activité d’écrivain, une carrière journalistique au Magazine Littéraire en 1967 puis au Figaro comme journaliste politique et au Quotidien de Paris. Directeur du Figaro littéraire de 1986 à 2003, il a aussi collaboré à Paris Match. Il a été élu le 18 décembre 1997 à l’Académie Française dans le fauteuil de Georges Duby (26e) et reçu par Hélène Carrère d’Encausse, le 12 novembre 1998.

« La Maîtresse Italienne », une « merveille »…

Pour Didier Van Cauwelaert, Jean-Marie Rouart est « un auteur qui gagne à être écouté car il a fait du devoir de mémoire, son sacerdoce ». Pour lui, son dernier livre, « La Maîtresse Italienne » est « une merveille, un épatant récit sur le mystère des courtisanes… Cette Comtesse, tu as cherché à en savoir plus sur elle. Tu n’as rien trouvé alors tu t’es dit, elle est à moi… ». S’il s’est engagé dans l’affaire Omar Raddad, « c’est par suspicion littéraire… OMAR aurait suffi pour dénoncer son meurtrier car quand on va mourir, on ne parle pas au passé ». Et d’ajouter : « Jusqu’à la révision du procès, je t’ai suivi… ». Il a aussi salué son combat pour la présomption d’innocence d’un Gérard Depardieu, vite condamné par la presse de gauche qui elle, est plus retenue quand il s’agit de Benoît Jacquot, Jacques Doillon ou Gérard Miller… Jean-Marie Rouart avait aussi pris fait et cause pour défendre Françoise Sagan quand le Fisc français avait poursuivi l’auteure de « Bonjour Tristesse ». Pour le président du Jury, Jean-Marie Rouart est « un merveilleux camarade ».

Véronique La Rosa

INTERVIEW AVEC PASCAL GAYMARD

Jean-Marie Rouart : Ma crainte ? « Ecrire le livre de trop »

Didier Van Cauwelaert a raison, « écouter Jean-Marie Rouart est un régal ».

D’emblée, le verbe est facile et le bon mot bien placé. Il s’est dit « très heureux que vous ayez pensé à moi car il y a dans les lauréats du Prix Audiberti, des gens qui étaient des amis et que j’admirais comme Jean d’Ormesson, l’homme avec lequel j’ai le plus ri, Michel Déon, Félicien Marceau, dont j’étais très proche… ». Que des adieux qu’il regrette…

Au 5ème essai pour la Bac comme pour l’Académie…

« Ventre affamé n’a pas d’oreilles », assure-t-il avant d’ajouter : « Voir un écrivain après avoir lu son livre, c’est comme voir une oie après avoir mangé du foie gras… Les grands écrivains sont décevants car dans leurs livres, ils expriment leur âme, leur originalité, leur dimension spirituelle »… Et il ne manque pas d’humour. Il sait que la véritable intelligence, c’est de ne jamais se prendre trop au sérieux. « J’ai eu une vie d’arriviste… Je suis entré à l’Académie Française au 5ème essai… comme pour mon Bac ». Et il ajoute : « J’étais très inquiet le jour même après le résultat car j’ai obtenu 16 voix de plus que Balzac… ».

D’Ormesson, Déon, Napoléon…

Si on lui pose la question sur sa plus grande crainte : « Écrire le livre de trop ». Ce ne sera pas « La Maîtresse Italienne », un bijou de sensualité et d’intelligence. Il n’a pas caché ses attaches avec la Corse où il a une maison balayée par les vents dans le Cap et qu’il a achetée sur les conseils d’une voyante…, en face de l’île d’Elbe… Il est vrai que le personnage historique qu’il respecte le plus n’est autre que Napoléon (comme Audiberti). Il avoue : « J’ai toujours eu une passion pour la grandeur… Napoléon avait une sorte de générosité et d’amour envers les Français… ». Mais, les femmes aussi ont joué un grand rôle dans sa vie. « À 18 ans, grâce à une jeune femme, j’ai découvert le midi, moi le Vendéen de Noirmoutier… La Corse est venue car je passais régulièrement des vacances chez mon ami, Jean d’Ormesson, un vrai pique-assiette… ». Il a fait pareil avec Michel Déon en Grèce, dans les îles, mais cela ne s’est pas bien passé au début… « avant qu’une grande amitié de 20 ans ».

Son rapport à la Méditerranée…

À propos de la Méditerranée, il avoue : « J’ai un côté un peu païen grec… Je vois une âme dans toute la nature, les arbres, les plantes, les pierres, les animaux… La mythologie grecque nous fait aimer la vie même si souvent, tout n’est pas très aimable… La littérature donne du sens et crée l’Histoire, une forme d’éternité... ». Pour lui, les écrivains sont irrationnels « et c’est pour ça que je passe mon temps chez les voyantes ». Comprendre la diversité des êtres, croire à l’Amour qui fait l’Histoire (la guerre de Troie), réaffirmer la bonté comme le faisait Napoléon : « Je fais mes plans de bataille avec les rêves de mes soldats endormis ». Voilà quelques correspondances et fulgurances avec Jean-Marie Rouart qui pense que Napoléon a choisi son martyr à Sainte-Hélène alors qu’il aurait pu fuir… « Il fallait qu’il construise sa légende… Les idées libérales de Napoléon ont changé la face du monde ». Que dire de plus…

Pascal Gaymard

LAISSER UN COMMENTAIRE

Merci de poster votre commentaire
Merci d'entrer votre nom içi

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.