Jean-Pierre Blanc : « Malongo ? Une aventure humaine »

Créée en 1934 avenue Lépante à Nice, Malongo a été rachetée en 1968 par la société familiale cafés Rombouts et Jean-Pierre Blanc prend les rênes de l’entreprise en 1980 avec 50 salariés.

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Aujourd’hui, Malongo, c’est 400 employés, un site de torréfaction et un siège social centralisés sur la ZI de Carros, un fleuron du commerce équitable, une implantation sur tous les continents, plus de 70 références de cafés et bientôt des franchises en commençant par Manille aux Philippines… Son directeur Général, Jean-Pierre Blanc, s’est expliqué sur les raisons de son partenariat avec le Musée Escoffier de Villeneuve-Loubet où une exposition Saveurs Café se déroule jusqu’au 4 novembre 2018.

LE VILLENEUVOIS : L’actu, c’est Manille ?

Jean-Pierre BLANC : Effectivement, en septembre prochain, nous ouvrirons notre 1ère boutique franchisée à Manille aux Philippines et nous en aurons trois avant la fin de l’année. Ce seront des coffee shop haut de gamme qui confirmera notre implantation en Asie.

LE VILLENEUVOIS : Plus proche de nous, c’est quoi la cible de Malongo ?

J.-P. B. : Sur la Côte d’Azur et en France, nous fournissons tous les grands chefs, dont Alain Ducasse avec qui nous partageons les mêmes exigences. Nous produisons un café très haut de gamme. Nous avons été les premiers à nous lancer dans le commerce équitable en 1992 et l’Agriculture Biologique. Notre exigence de qualité passe par un contrat de confiance entre les petits producteurs et les consommateurs. Pour avoir un produit exceptionnel, il faut toute une chaine de valeurs, la variété, des petits producteurs avec une juste rémunération et le terroir, des endroits propices aux caféiers arabicas, ombrés, en altitude (1000 à 1500m), humides, sols volcaniques, avec une cueillette à la main. Par jour, un homme peut récolter 60 kg de cerises de café soit10 kg de café vert qui torréfiés n’en font que 8 kg. Après la sélection, vient la torréfaction, notre méthode lente et traditionnelle, à l’ancienne, en 20mn… Il faut du temps pour libérer les arômes. Enfin, la préparation, pour faire un bon café, il faut une machine à café bien réglée et bien entretenue, une bonne eau, une température précise et le geste de celui qui prépare avec 7 gr ce nectar exquis dans une tasse. La recherche de l’excellence est une quête qui n’en finit pas.

LE VILLENEUVOIS : Comment est née votre vocation sur le commerce équitable ?

J.-P. B. : D’une rencontre avec le Père Francesco Van Der Hoff, un hollandais réfugié au Sud du Mexique. Il a été le cofondateur 1er label de commerce équitable, Max Havelaar. C’est un prêtre ouvrier, docteur en théologie et docteur en économie. Son modèle est simple : payer un prix minimum garanti par rapport au marché avec une prime sociale et une prime biologique afin de garantir l’absence d’entrants chimiques. Aujourd’hui nous payons presque deux fois le prix du marché. Les petits producteurs des villages sont regroupés en coopératives. Aujourd’hui, nous faisons vivre environ 30 000 familles. Nos process permettent une productivité supérieure à une agriculture traditionnelle avec pesticides. Il n’y a pas de mécanisation, nous échangeons nos savoir-faire avec un centre de formation à l’agriculture biologique que nous avons créé au Mexique. Nous ne faisons pas la charité mais un échange dans la dignité.

LE VILLENEUVOIS : Que représentez-vous en termes de parts de marché ?

J.-P. B. : En commerce équitable, nous avons 50 % de parts de marché ; sur l’arabica, nous avons 8 %. Nous vendons aussi des produits de qualité en direction de la restauration, de l’hôtellerie et de la gastronomie d’où notre lien avec Auguste Escoffier.

LE VILLENEUVOIS : Pourquoi cette expo au Musée Escoffier de Villeneuve-Loubet ?

J.-P. B. : Cela est venu après l’exposition au MUCEM de Marseille. C’est par le conservateur du Musée, Richard Duvauchelle, que j’ai connu au Noga Hilton en 1985. Mais je connais aussi d’autres membres du conseil d’administration comme M. Bellet, ex directeur du Négresco. Ils (manque la phrase…)

m’ont fait redécouvrir le rôle éminent joué par Auguste Escoffier. Il avait aussi ce goût du voyage… comme moi.

Le café est l’allié de la gastronomie car c’est la dernière signature d’un repas gastronomique mais aussi le dernier le matin au petit déjeuner avant de payer la note. On doit être exemplaire sur ce produit. Mais il faut transmettre son savoir faire.

LE VILLENEUVOIS : Comment l’organisez-vous ?

J.-P. B. : D’abord par des échanges de savoir-faire entre régions, pays, continents. Ensuite, depuis 1997, Nous avons créé trois centre de formation café, un à Paris, un à Lyon à l’Institut Paul Bocuse, et un dernier à La Gaude. Nous les initions à faire de magnifiques cappuccinos, nous leur faisons découvrir les différents modes de préparation de l’expresso aux différentes méthodes Slow coffee, la Cona mais aussi les goûts et la rigueur nécessaire pour produire un expresso de qualité. Depuis 1992, nous avons formé près de 20 000 élèves des écoles hôtelières et nous avons une convention avec l’éducation nationale. Notre concours national du jeune professionnel du café que nous organisons à Nice au lycée Paul Augier est devenu incontournable.

LE VILLENEUVOIS : Qu’avez-vous exposé au Musée Escoffier ?

J.-P. B. : Le lieu est petit et nous avons dû faire des choix drastiques. Nous possédons la plus grande collection du monde avec 5000 pièces de quoi alimenter un musée du café sur lequel nous travaillons depuis des années… Chez Escoffier, nous avons voulu refaire en résumé l’histoire du café avec panneaux didactiques et des pièces emblématiques que nous possédons. Avec Auguste Escoffier, nous partageons les mêmes valeurs, les mêmes passions, les mêmes analyses sur la complexité des goûts et des saveurs. Lors de l’inauguration, nous avons proposé de découvrir des fromages associés avec préparations et des crus des cafés. Avec notre produit, nous pouvons tout faire, tout oser. Nous sommes là au cœur de la gastronomie. Être présent au Musée Escoffier, c’est une grande fierté pour Malongo, Auguste Escoffier, c’est le chef des chefs… L’excellence comme celle que nous prétendons avoir avec notre café.

LE VILLENEUVOIS : Votre mot de la fin ?

J.-P. B. : Notre grand plaisir, c’est lorsque nous allons dans les pays producteurs, de constater que les producteurs s’organisent, qu’ils se sont appropriés le modèle du commerce équitable en l’adaptant à leur propre culture. Nous propose, ils disposent. C’est toujours un équilibre dans l’impossible qu’il faut rechercher.

Propos recueillis par Pascal Gaymard

 

Exposition Saveurs Café

Du 1er juin au 4 novembre 2018

Musée Escoffier de l’Art Culinaire

3, rue Auguste Escoffier

Villeneuve-Loubet

www.musee-escoffier.com

 

Questionnaire à la Proust

Le principal trait de votre caractère ? Tenace et curieux.

La qualité que vous préférez chez un homme ? L’empathie et la rigueur.

La qualité que vous préférez chez une femme ? La spontanéité.

Le bonheur parfait pour vous ? Ça n’existe pas, que des moments différents, uniques, on est toujours à sa recherche.

Où et à quel moment de votre vie avez-vous été le plus heureux ? Il y en a beaucoup, des rencontres, des lieux, des discussions, nous sommes tous à la recherche de l’infini.

Votre dernier fou rire ? Avec mes collaborateurs. La rigueur n’exclut pas le moment où l’on se lâche.

La dernière fois que vous avez pleuré ? Au Festival de Cannes, après avoir vu le film libanais, Capharnaüm. Il aurait dû avoir la Palme d’Or.

Votre film culte ? Capharnaüm, c’est une réalité que j’ai trop souvent vu dans mes voyages, un état désespérant que l’homme produit.

Votre occupation préférée ? Le travail et la culture, le théâtre, le cinéma, l’opéra. On ne peut séparer la culture de l’agriculture. Notre fondation y travaille.

Votre écrivain favori ? Je n’en ai pas, je passe d’un roman à un autre. Je dévore.

Votre dernier livre ? « L’Homme qui aimait les chiens » de Leonardo Padura.

Votre héros ou héroïne dans la vie ? Le Père Francesco.

La figure historique que vous admirez ? Chacun a ses zones d’ombres.

Votre héros de fiction ? Tous les personnages de BD d’Enki Bilal.

Votre musicien préféré ? Géraldine (ma fille) qui chante et qui écrit et compose.

La chanson que vous chantez sous la douche ? Des airs d’Opéra comme certains passages de Mme Butterfly.

Votre couleur préférée ? Le rouge, celui de Malongo.

Votre boisson préférée ? Le café bien sûr, mais aussi sous toutes ses formes :

le Cold Brew, une décoction froide de café bio et équitable sans sucre sans additif que l’on peut boire lors d’un repas, l’après-midi, à l’apéro…

Que possédez-vous de plus cher ? Ma famille.

Les fautes pour lesquelles vous avez le plus d’indulgence ? Celles que l’on reconnaît.

Qui détestez-vous vraiment ? L’hypocrisie.

Si vous deviez changer une chose dans votre apparence physique ? Rien parce que je vis avec mon enveloppe. J’ai voulu me raser la barbe une fois, je ne me suis pas reconnu…

Quel serait votre plus grand malheur ? La perte d’un être cher.

Votre plus grande peur ? Certains voyages que j’ai pu faire en voiture ou en petit avion délabré dans des pays producteurs.

Votre plus grand regret ? Le temps qui passe.

Qu’avez-vous réussi de mieux dans votre vie ? Rien à l’échelon