Haroun « Je suis fasciné par le pouvoir de l’humour »

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Le Petit Niçois : Comment décrieriez-vous votre spectacle ?
Haroun : Je le décrie souvent comme « sarcastico-bienveillant ». C’est-à-dire que l’objectif est de me moquer au travers de la société tout en restant sympathique parce que ces défauts nous les avons tous et nous sommes obligés de vivre avec.

L.P.N. : L’humour et la bienveillance ce n’est pas un peu antinomique ?
Pas forcément. Si on fait de l’humour en se moquant de soi-même on reste drôle sans pour autant vouloir détruire quelqu’un. Il ne faut pas confondre l’humour et la moquerie. Ce sont deux notions différentes.

L.P.N. : La politique revient beaucoup dans vos sketchs. Vous avez même réalisé en 2017 une représentation spéciale élection présidentielle. Une source d’inspiration pour vous ?
Ce n’est pas que le monde de la politique m’inspire. Je m’intéresse avant tout aux sujets sociétaux et par conséquent ça touche à la politique, car beaucoup de choses sont politiques dans la vie. Et puis ils se mêlent de beaucoup de trucs aussi faut dire. Maintenant, la partie sur la politique en tant que telle est assez réduite. Et dans le spectacle que je suis en train d’écrire, il n’y en aura quasiment pas.

L.P.N. : Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire de l’humour ?
 Probablement l’envie de faire bouger les choses à ma façon. Je le dis dans le spectacle, je suis devenu humoriste parce que je suis faible. J’avais envie de dire des choses mais sans blesser les gens. Envie de m’investir à ma façon dans la société dans laquelle je vis. Je suis fasciné par le pouvoir de l’humour. Cette capacité de pouvoir dire ce que l’on veut à partir du moment où l’on fait rire.

L.P.N. : Avez-vous des références ?
 Je dirais Coluche pour sa façon de parler de tous les sujets tout en restant très populaire dans la forme. Il y a aussi Desproges dans ses tournures, cette façon de prendre des angles très alambiqués pour arriver là où il le souhaitait. Les Inconnus pour leur jeu qui m’a captivé durant ma jeunesse. Ricky Gervais, un Anglais que j’adore également. L’humour anglais est un peu une référence pour moi. Ce côté pince-sans-rire m’inspire beaucoup. Après, dans la manière de mener sa carrière, je dirais le Comte de Bouderbala. Nous sommes sur la même longueur d’ondes.

L.P.N. : C’est-à-dire ?
Il a réussi à installer son style tout en restant un peu à l’écart du milieu. Il est difficile à définir. Il a une médiatisation qui est relative et pourtant tout le monde adore ce qu’il fait. Il est entre les lignes. J’aime cette manière de ne pas correspondre à des codes. Il n’a pas eu besoin de passer par la télé pour réussir sa carrière.

L.P.N. : Justement, on a l’impression que l’une de vos caractéristiques c’est ce lien direct que vous entretenez avec votre public via les réseaux sociaux. Vous vous passez d’intermédiaires…
C’est peut-être inspiré des nouvelles méthodes de consommation. Quand on achète de la nourriture on aime bien aller chez le producteur directement maintenant. Moi c’est un truc qui me touche. J’ai essayé de le reproduire au niveau de l’humour. Parler directement au public, aller chez eux grâce à la tournée. Je veux montrer aux gens que le stand-up est quelque chose de très flexible, qu’on peut en faire partout. Et puis au final ça reste de l’humour. On fait ça pour détendre les gens. L’enjeu n’est pas immense. Beaucoup de monde sont impressionnés par ce que l’on fait mais je pense que dans la vie de tous les jours il y a plein de personnes qui font des choses beaucoup plus impressionnantes que nous. Moi je veux garder cette proximité. Montrer que ce qu’on fait c’est un peu de l’artisanat, que nous ne sommes pas dans un monde à part.

L.P.N. : Pourquoi avoir choisi le stand-up ?
 J’ai d’abord commencé par la danse et l’impro théâtrale avant de m’orienter vers le stand up. C’était un choix avant tout très pratique. Quand on veut jouer simplement, que l’on veut aller faire toutes les scènes le plus rapidement possible, le stand up le permet. On a juste besoin d’un micro et d’une lumière. J’aime de discours de simplicité et de vérité. J’aime cette relation avec le public : « On ne va pas se mentir ». Quand une blague ne marche pas, je le sais, je leur dis et on passe un moment authentique qui me plait.

L.P.N. : Dans votre tournée vous êtes confronté à de nouveaux publics. Ça change quelque chose ?
Oui il y a un notre rythme d’humour. Il a des blagues sur lesquelles les gens rigolent plus ou au contraire ne rigolent pas. Le public n’est pas le même dans une grande ville, une petite ville ou une très petite ville. Parfois dans les très petites villes, ils n’osent pas rirent « bruyamment » sur les blagues un peu dures. Peut-être une forme de pudeur… De mon côté je change aussi mes références dans le spectacle. Par exemple lorsque l’on parle d’un quartier chaud on va changer le nom pour s’adapter. Et puis il y a aussi le fait de découvrir la France. Je me renseigne sur les lieux où je vais. Donc j’en apprends beaucoup au niveau culturel.

L.P.N. : Vous êtes déjà venu sur la Côte d’Azur ?
Lorsque j’étais étudiant, j’ai participé à un festival de café-théâtre qui était créé par l’université de Nice-Sophia Antipolis. On avait joué à Cannes, c’était l’une de mes premières expériences de théâtre. C’est un très bon souvenir.

L.P.N. : On vous a récemment vu dans l’émission de Thierry Ardisson. C’est quelque chose qui peut vous plaire la télévision ?
Pour le moment pas trop. Mais il faut rester ouvert. Il n’y a pas qu’une seule façon de faire de la télé. Mais pour l’instant, je n’ai pas trop aimé. Je n’ai pas aimé le rythme des montages, le redécoupage. J’ai un humour plutôt lent, avec des silences et je crois qu’ils n’ont pas trop aimé. Et puis je suis assez critique envers la télé. Le renouvellement qui devrait être fait n’a pas lieu, les prises de risque qu’il n’y a plus. Lorsque je regarde les vieilles émissions sur l’INA je les trouve très fortes, il y avait un côté « on s’en fout » qui n’existe plus. Des vraies émissions de débats comme Apostrophe ou même le Canal + de l’époque avec Nulle Part Ailleurs…Dès qu’un truc ne marche pas on le zappe parce que s’est clashé sur twitter…La télé n’arrive plus à me capter.

L.P.N. : Où vous voyez-vous dans dix ans ?
Toujours sur scène. Peut-être moins fréquemment. Et puis mon but ultime c’est d’écrire des livres. J’aimerai me rompre à l’exercice de l’écriture, plus profonde. Les écrivains m’impressionnent. C’est quelque chose qui me fait rêver et sur laquelle je ne suis pas encore allé.

L.P.N. : Vous avez des projets ?
Je suis en train d’écrire un spectacle sur les nouvelles technologies et internet que je ne vais jouer que sur quelques dates au mois de mai et après il sera disponible sur Youtube. Comme je l’avais fait pour la Présidentielle. L’idée c’est d’offrir un spectacle au public, où qu’il soit.
Propos recueillis par Andy Calascione