DROIT – Cour de Justice de la République : vers la suppression d’une instance contestée

Très critiquée, la Cour de Justice de la République (CJR) juge les membres du gouvernement ayant commis des délits dans l'exercice de leurs fonctions.

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Juridiction à part, mi-judiciaire mi-politique, la CJR est vivement critiquée. Accusée d’être une justice d’exception, symbole d’une justice à deux vitesses, sa suppression est envisagée.

Une jeune institution en voie de disparition

Dans l’objectif de réconcilier l’opinion publique avec ses responsables politiques, la CJR a été créée lors de la révision constitutionnelle du 27 juillet 1993, au moment du scandale du sang contaminé dans lequel étaient impliqués plusieurs ministres. Avant 1993, seul le Parlement avait le pouvoir d’engager des poursuites à l’encontre des membres du gouvernement devant ce qui s’appelait alors la Haute Cour de justice, composée uniquement de parlementaires élus par chaque assemblée. La CJR doit répondre à la nécessité d’établir une définition de la responsabilité pénale des élus et des responsables de l’exécutif dans l’exercice de leurs fonctions, tout en faisant en sorte que la justice n’interfère pas sur la politique menée. Vivement contestée pour sa représentation collégiale à majorité parlementaire, le jugement est en effet prononcé par six députés, six sénateurs et seulement trois magistrats du siège à la Cour de cassation, certains estiment que l’institution permet aux politiques de se juger entre eux. Face à cet échec, le projet de loi constitutionnelle du 14 mars 2013 prévoit la suppression de la CJR, « qui constitue un privilège qui n’a plus de raison d’être ». Parmi les propositions du rapport Sauvé publié le 8 juillet dernier figure la suppression de la Cour de justice de la République, au nom du principe d’égalité devant la loi.

Vers une justiciabilité de l’ordre judiciaire

Les ministres devraient être jugés par les juridictions pénales de droit commun, y compris pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions. Soulignons que les conseillers le sont déjà par les tribunaux ordinaires, ce qui conduit à une justice à deux vitesses et des jugements qui manquent en comparaison de cohérence. Toutefois, l’institution incarne la séparation des pouvoirs prônée par les constituants de 1791 consacrée à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution ». Il paraissait ainsi contraire à l’équilibre des pouvoirs que des magistrats de l’ordre judiciaire puissent s’immiscer dans l’appréciation de l’action des ministres. « A crime politique, juge politique » lançait lors des débats Lally-Tollendal, délégué de la noblesse aux États-Généraux en 1789. Figure emblématique d’une caste privilégiée, la Cour devait concilier deux exigences : constituer une instance crédible pour les ministres en exercice et tenir compte de la spécificité de l’action politique. Aujourd’hui, la confiance entre les gouvernants et la population s’amenuit, le fossé se creuse. La classe dite « moyenne », celle définie par Montesquieu, lourdement taxée, dépérit et ne joue presque plus son rôle d’équilibrage et quant aux privilèges, ils sont vivement pointés de l’index. Dans ce contexte de rappel à l’Histoire, il semble nécessaire d’établir une juridiction identique à celle du droit commun, exigeante et respectueuse de la sanction, avec une formation collégiale tout aussi spécifique, mais uniquement composée de magistrats du siège.  

Véronique La Rosa

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