CINÉMA – 76e FESTIVAL DE CANNES : Ruben Östlund, Président !

En ce printemps 2023, le Festival de Cannes et son délégué général, Thierry Frémaux, ont annoncé le futur président du Jury de cette 76ème édition du 16 au 27 mai prochain

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Et le nom de l’heureux élu nous a surpris et ravis, il s’agit du réalisateur suédois subversif, Ruben Östlund,

6 films, 2 Palmes d’Or en 5 ans…

Ce double palmé en Or avec THE SQUARE et SANS FILTRE est un pur produit « Cannois » ce qui signifie que ses films ont été vus avant tout au Festival de Cannes. Notre joie est à son comble et l’on pressent un palmarès conforme à nos idées et nos goûts, à la manière de celui de Pedro Almodovar… qui avait sacré THE SQUARE, car, avait-il dit : « C’est le film le plus original et la plus belle démonstration de ce qu’est le cinéma ». Par sa personnalité, son charisme, son œuvre, Ruben Östlund peut être un grand président. En seulement 6 longs métrages, il s’est imposé comme étant une valeur sure et l’un des metteurs en scène les plus sulfureux, s’amusant à ridiculiser l’art contemporain et ses adeptes, les mannequins et les influenceuses, la famille avec un père lâche au point d’abandonner femme et enfants pour se protéger… Personne ne ressort indemne de la moulinette Ruben Östlund. Et c’est heureux. Combien de rires salvateurs lui doit-on ?

50 ans après Ingrid Bergman

Près de 50 ans après Ingrid Bergman, ce sera donc un ressortissant suédois qui prendra ce rôle de président du Festival de cinéma le plus prestigieux au monde. À 48 ans, Ruben Östlund présente une superbe filmographie et personne n’avait réussi avant lui à remporter deux Palmes d’Or en 5 ans (sachant que l’édition 2021 n’avait pas eu lieu). Il succédera à Vincent Lindon qui n’avait pas réussi à imposer ses choix. Le Suédois y parviendra-t-il ? Dès 2014, son SNOW THERAPY avait dynamité la Croisette dans la sélection officielle, « Un Certain Regard ». Et déjà, il était reparti avec un Prix du Jury amplement mérité. Il faut dire que cette histoire de ce père fuyant une avalanche, son téléphone portable à la main, laissant ses enfants face au danger, avait suscité un bel enthousiasme public. En 2017, pour le 70ème Festival, peu de journalistes présents à Cannes le voyait en Palme d’Or avec THE SQUARE. Michel Ciment (Positif) et moi, nous étions bien les seuls à y croire. Et pourtant… Sur la scène, il avait laissé éclater sa joie. Le film racontait l’histoire du directeur d’un musée d’art contemporain qui prépare une exposition sur la tolérance mais se heurte à ses propres limites en la matière.

2022 : Palme d’Or, 2023 : Président !

Et puis, l’an passé, Ruben Östlund nous a présentés SANS FILTRE et une nouvelle fois, ceux qui le suivent et l’apprécient ont exulté. Quel bonheur de le revoir en Or avec un numéro sur scène digne des plus grands moments du Festival ! Là encore, le film ne faisait pas dans la dentelle. Sa critique du capitalisme et des super-riches comme du monde du luxe était concomitante à un rebattage des carters de la lutte des classes… Il avait fait rire aux éclats les Festivaliers appréciant son humour trash, notamment pour cette scène de duel de citations entre le capitaine du bateau en train de couler, Woody Harrelson, et ce magnat des ordures incarné par un multimilliardaire russe. Le premier citait Marx, Lénine, Gramsci…, le second lui répondant avec des mots de Thatcher, Reagan, Bush… Avec cette 2ème récompense, il avait alors intégré le cercle restreint des 8 cinéastes ayant remporté deux Palmes d’Or. Et parmi eux, ils ne sont que deux, Francis Ford Coppola et Emir Kusturica, à avoir été président du Jury mais Ruben Östlund est le seul à endosser cet honneur juste l’année après avoir été palmé d’Or…

Une soif sociologique…

Mais qui est ce cinéaste impertinent et ironique qui nous apprend à nous questionner sur la vie et l’Art en général ? Né à Styrsö, il a fait des études de cinéma à Göteborg. Son 1er long métrage, il le réalise en 2004, THE GUITAR MONGOLOID. Quasi documentaire, le réalisateur s’amuse avec des destins croisés de marginaux dans une cité fictive qui pourrait être… Göteborg. Son court métrage suivant, AUTOBIOGRAPHICAL SCENE NUMBER 6882, contient tous les thèmes qu’il développera dans HAPPY SWEDEN, film déjà en sélection officielle à « Un Certain Regard » en 2008. Toujours cette soif de sociologie, toujours mettre en exergue les travers humains au travers d’un groupe, d’une caste, d’une famille… C’est le malaise qu’il vise à chaque fois. Il sera en Or au 60e Festival de Berlin en 2010 avec un autre film court, INCIDENT BY A BANK, qui analyse les réactions de passants après un braquage. De retour à Cannes mais à la Quinzaine des Réalisateurs, il y présente, PLAY, en 2011, qui s’attaque au harcèlement entre différentes bandes de jeunes… Son cinéma provoque toujours le débat. La suite, on la connaît, ce sera SNOW THERAPY…

« Le cinéma est unique »…

Dès qu’il a appris la nouvelle de sa nomination, il a réagi immédiatement : « Je suis heureux, fier et empreint d’humilité de me voir confier l’honneur de présider le Jury du Festival de Cannes cette année. Nul autre lieu dans le monde ne suscite un tel désir de cinéma lorsque le rideau se lève sur un film en Compétition. Quelle chance d’être là avec ces fins connaisseurs que sont les festivaliers de Cannes. Je pense sincèrement que la culture du cinéma traverse une période cruciale. Le cinéma est unique. On le partage. Regarder ensemble exige davantage à ce qui est montré et intensifie l’expérience. Cela nous renvoie quelque chose de tellement différent que cette dopamine sécrétée par le défilement des écrans individuels ». Et d’ajouter : « En tant que Président, conclut Ruben Östlund, je rappellerai à mes collègues du Jury le rôle du cinéma. Un bon film se connecte aussi à l’expérience collective, il stimule la réflexion et donne envie d’en discuter. Alors, allons voir des films ensemble ! ». Nul doute que le palmarès du 76e Festival de Cannes pourrait nous réserver quelques belles surprises dignes de ce réalisateur corrosif, féroce parfois, mais toujours juste. Notre impatience et à la hauteur de nos attentes…

Pascal Gaymard

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