Le premier week-end du Festival marque un tournant, les « gros » films sortent du bois, ceux dont tout le monde en parle comme des candidats possibles au Palmarès. Bien sûr, BENEDETTA est l’un d’entre eux et il ne déçoit pas. Dans le traitement de ce sujet inspiré de faits réels, Paul Verhoeven revient à la source De Chair et de Sang tourné également en Toscane. Il y a la même volonté de choquer, de parler vrai en remettant l’histoire dans son contexte du XVIIe siècle pour son 17e film… Il n’y a pas de hasard ! Son BENEDETTA rappelle par bien des aspects au Nom de la Rose de Jean-Jacques Annaud. Virginie Efira excelle dans ce rôle physique et psychologique de cette Sainte jugée comme une prostituée, à moins que ce soit une prostituée jugée comme une Sainte, ou les deux à la fois… Elle pose sa candidature sérieuse à un prix d’interprétation. Le casting est prestigieux avec Charlotte Rampling, Lambert Wilson, Clotilde Courau et la révélation, Daphné Patakia…
À l’opposé, le film minimaliste du Finlandais, Juho Kuosmanen révélé à la ciné-fondation, un pur produit cannois, ne convainc pas. COMPARTIMENT n°6 se passe essentiellement dans un train où une jeune femme va faire une rencontre déterminante. Si les comédiens dégagent une belle énergie, le scénario reste très faible et la mise en scène des plus austères. De Saint-Pétersbourg à Mourmansk, le réalisateur a perdu le spectateur en route…
Dans un registre plus comédie, Samuel Benchetrit, lui, enlève tous les suffrages au sein de la nouvelle sélection Officielle, Cannes Première, avec CETTE MUSIQUE NE JOUE POUR PERSONNE. Il faut dire que le casting est prestigieux avec Gustave Kervern, François Damiens, Ramzy Bedia, Bouli Lanners, Joey Starr, Valeria Bruni Tedeschi, Vincent Macaigne… Cette suite d’historiettes qui pour finir n’en font qu’une fonctionne tel un puzzle où chaque pièce se met immédiatement à sa place. Entre poésie et scènes extrêmement drôles, ce film de losers complètement décalés prend forme, chacun des personnages révélant ses fragilités pour en sortir encore plus forts. La belle comédie de ce 74e Festival de Cannes et une magnifique ovation en salle Debussy pour toute l’équipe.
Enfin, à La Semaine de la Critique, LES AMOURS D’ANAÏS de Charline Bourgeois-Tacquet consacre le talent d’une Anaïs Demoustier dont nous ne pouvons pas penser à Cours Lola Cours tant cette Anaïs n’arrive pas à se fixer, tout comme la Julie de Joachim Trier. Ces deux films se parlent, résonnent de la même énergie, évoquent la difficulté de passer le cap de la trentaine et de se fixer… Valeria Bruni Tedeschi est aussi à l’affiche de ce film, ce qui fait trois avec La Fracture et Cette Musique ne joue pour personne… Comédie « savoureuse », selon l’excellent Charles Tesson, délégué général de la Semaine, Anaïs est un personnage que l’on garde longtemps à l’esprit, un archétype universel.
Pascal Gaymard & Veronique Rosa
Photos : Dominique Maurel