HOMMAGE- Jean-Claude Carrière : Un épicurien conteur de la vie…

L’écrivain et scénariste, Jean-Claude Carrière nous a quittés... lui qui avait connu plusieurs vies en une avec un éclectisme rare dans le métier de l’édition et du cinéma.

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Expert en religions, il l’était, lui qui se disait athée et qui avait tant écrit sur le bouddhisme, l’hindouisme, le christianisme voire l’islam.

Sa rencontre avec le Dalaï-Lama

Il est vrai qu’il était curieux de tout et de tous. L’une de ses plus grandes rencontres aura été celle avec le dalaï-lama. Il écrira avec lui,  « La Force du Bouddhisme », un recueil de ses rencontres avec le Saint Homme. Sur le christianisme, son plus célèbre ouvrage reste « La controverse de Valladolid », écrit d’après des éléments historiques sur la question essentielle à l’époque : les Indiens ont-ils une âme ? Sont-ils des humains comme les autres ? La guerre ou le respect ? Autant de questions qui étaient aussi des combats pour l’auteur. Avec le dramaturge, Peter Brook, autre grand érudit, il avait adapté « Le Mahâbhârata », l’épopée mythologique hindoue qui avait été présentée à Avignon en 1985, puis aux Bouffes du Nord à Paris. Difficile de croire après ça qu’il soit athée, lui qui s’était vu décerner le prix Psychologies-FNAC pour son essai intitulé, « Croyance »…

Sur ces rencontres qui ont donné des amitiés, il était volontiers plus prolixe que sur sa propre vie. Pour lui, son véritable métier était « conteur ». Mais il était aussi passionné de dessin, d’astrophysique, de vin, de Taï-chi-chuan, un art martial très contemplatif. Pour la petite histoire, il aurait pu être président du Fonds de soutien d’aide à la production cinématographique et audiovisuelle du département des Alpes-Maritimes…

Etaix, Buñuel, Deray, Forman et les autres…

Au final, c’est plus de 60 scénarios et 80 livres que Jean-Claude Carrière nous laisse. Il a tout fait dans l’écriture, des essais, des comptes-rendus de rencontres, des poèmes, des romans, des dictionnaires amoureux de l’Inde et du Mexique, des traductions, des scénarios…, des paroles également pour Brigitte Bardot, Juliette Gréco ou Jeanne Moreau. Il savait se mettre à la disposition d’un interprète, d’un réalisateur, d’un sage… « Je n’ai pas d’ego », affirmait-il à l’envi. Parmi ces rencontres au cinéma, il a été quasiment fusionnel avec Luis Buñuel pour lequel il commencera à faire l’acteur. Le prêtre (ça ne s’invente pas…) dans Le Journal d’une femme de Chambre (1964), c’est lui. Il en fera l’adaptation et ce sera le début d’une longue collaboration avec à la clé des chefs-d’œuvre comme, outre Le Journal…, BELLE DE JOUR (1967), La Voie Lactée (1969), Le charme discret de la Bourgeoisie (1972), Cet obscur objet du désir (1977). La fidélité à ses amis auteurs, il la cultive. Il en sera de même avec Jacques Deray : LA PISCINE (1969), BORSALINO (1970, son grand succès), Un peu de soleil dans l’eau froide (1971), Un homme est mort (1972), Le Gang (1976), Un Papillon sur l’épaule (1978). Ou encore Milos Forman (Taking Off-1971, VALMONT-1989, Les Fantômes de Goya-2007), Louis Malle (VIVA MARIA ! -1965, Milou en mai 1990), Volker Schlöndorff (LE TAMBOUR-1979, Un amour de Swann-1984), Jean-Paul Rappeneau (CYRANO DE BERGERAC-1990, Le Hussard sur le Toit-1995) … Mais comment oublier son complice des premières heures, Pierre Etaix avec lequel il fera 7 films dont 3 courts métrages ?

Enterré à Colombrières-sur-Orb…

Sous sa plume, les plus grands auteurs ont été adaptés au cinéma : Dostoïevski, Giono, Kessel, Kundera, Hadley-Chase, Louÿs, Mirbeau, Proust, Rostand, Sagan, Tournier… Plus proche de nous, il s’était lié aux Garrel, avec deux films avec Philippe (L’Ombre des Femmes-2015, et Le Sel des Larmes-2020) ainsi qu’un autre avec Louis (L’Homme Fidèle-2018). Nous insisterons sur SYNGUE SABOUR, PIERRE DE PATIENCE d’Atiq Rahimi, un authentique chef-d’œuvre de 2012. Il aura la consécration aux César avec le scénario du Retour de Martin Guerre (1982) de Daniel Vigne, et un Oscar d’honneur pour son œuvre en 2015. Tout ce qu’il avait appris de la vie, il a essayé de le transmettre aux étudiants de la FEMIS (l’école des métiers du cinéma) durant 10 ans.

Il est mort dans son sommeil, discrètement, lui qui détestait le bling-bling et les mondanités. « Dans son sommeil », a indiqué sa fille, Kiara Carrière, à l’AFP. Il avait 89 ans et sa voix si profonde hantera bien des cinéphiles. Des hommes aussi rares et précieux sont une perte inestimable pour le genre humain.

Il avait publié son premier roman en 1957, Le Lézard, et son dernier essai, La Vallée du Néant en 2018. Ce fils de viticulteur qui était un véritable épicurien au sens noble et originel du terme, véritable et authentique, qui aimait le soleil pour s’y lézardait et qui a fini sa vie dans sa croyance du néant. Après un hommage à Paris, il devrait être inhumé à Colombrières-sur-Orb dans l’Hérault. À sa femme, l’écrivain iranien, Nahal Tajadod, ainsi qu’à sa fille Kiara, à toute sa famille, Le Petit Niçois leur présente leurs plus sincères condoléances.

Pascal Gaymard

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