Le fonctionnement du cerveau est régulé par des synapses qui établissent la communication entre les neurones. Une nouvelle étude, dirigée par le Dr. Paula Pousinha, Maître de conférences à Université Côte d’Azur et à l’Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire (IPMC, Université Côte d’Azur, CNRS), en collaboration avec l’équipe du Dr. Luisa Lopes (iMM; Portugal), a démontré qu’une protéine impliquée dans la maladie d’Alzheimer a une double fonction dans la régulation de l’activité des synapses neuronales au début de la vie et au vieillissement. Ces résultats ont été publiés le 26 janvier 2023 dans la revue Aging Cell.
La maladie d’Alzheimer et son origine
La communication entre les neurones au niveau des synapses peut être réalisée par l’action de neurotransmetteurs, des molécules qui sont libérées d’un neurone et capturées par des récepteurs dans l’autre. La protéine précurseur du peptide b -amyloïde (APP), qui est liée à la maladie d’Alzheimer, est connue pour réguler l’activité des synapses. Les récepteurs NMDA qui répondent à un neurotransmetteur appelé glutamate, sont essentiels au développement et plasticité des synapses excitatrices. Ce type de synapses est le plus courant dans l’hippocampe, la région du cerveau que les scientifiques ont étudié dans ce travail. C’est une zone du cerveau particulièrement importante pour la mémoire et affectée par la maladie d’Alzheimer.
Le Dr Pousinha et ses collaborateurs ont découvert que l’APP régule l’activité des récepteurs NMDA en deux étapes distinctes selon le stade de la vie. Chez les souris infantiles, l’APP dans sa forme entière interagit avec ces récepteurs et modifie leur activité synaptique, contribuant probablement à la maturation des synapses et à leur fonction physiologique. Chez les souris âgées, ce n’est pas la protéine entière mais un de ces fragments qui affecte différemment la fonction de ces mêmes récepteurs, et par conséquent contribue au dysfonctionnement des synapses. Un schéma similaire de fonction d’APP dans le tissu de cerveau des personnes âgées a été observé, ce qui suggère que l’APP est également impliqué dans le dysfonctionnement synaptique des récepteurs NMDA chez l’homme.
Un contrôle strict nécessaire de la protéine APP
Le mécanisme particulier liant les fragments d’APP et le récepteur NMDA observé chez les souris âgées et non dans une souris jeune semble pertinent dans le contexte de la maladie d’Alzheimer. En effet, bien que la protéine APP soit présente partout dans le cerveau et à tout âge, dans la maladie d’Alzheimer il existe une accumulation pathologique de ces fragments dérivés de l’APP, notamment celui appelé AICD. Le dysfonctionnement synaptique mis en évidence dans le vieillissement pourrait donc être encore plus prononcé dans cette maladie. Plus important encore, ce mécanisme peut expliquer pourquoi certaines mutations trouvées dans l’APP qui réduisent son clivage, et donc la présence des fragments d’APP, semblent protectrices chez l’homme. Aussi, il pourrait expliquer la raison pour laquelle un médicament qui agit sur le récepteur NMDA (la mémantine) est efficace dans la maladie.
Ces résultats montrent qu’il est important de garder la protéine APP sous un contrôle strict. Au début de la vie, l’APP est importante pour un développement sain, et dans le vieillissement, l’APP contribue au déclin de la fonction cérébrale par un mécanisme différent. Comprendre ces mécanismes est important afin de définir des stratégies pour moduler finement cette protéine à l’avenir, en essayant d’agir spécifiquement sur ses impacts négatifs sur le cerveau âgé et dans la maladie d’Alzheimer.