Du 9e au 11e siècle, on peut parler de la naissance de la poésie qui s’appuie sur les modèles latins qui sont liés à l’église et ses célébrations. À la fin du 11e siècle, la poésie des troubadours présente les valeurs chevaleresques et féodales et offre une conception de l’amour courtois ou la fin’amor : le chevalier mérite sa dame par ses prouesses guerrières.
La poésie des Troubadours du XIe siècle
Influencée par la poésie arabe ainsi que par certains rites chrétiens du Moyen-Âge, la poésie des Troubadours est la première poésie composée en langue du peuple et non plus en langues vernaculaires issues du Latin. Les Troubadours sont des poètes du XIe au XIVe siècle qui, dans le Midi de la France, composaient en langue d’Oc des poèmes, des satires ou des ballades, avec une musique d’accompagnement (la mandore ou mandoline basse). Leur composition était rendue par des jongleurs qui les chantaient et les récitaient. Le style lyrique est léger, vif et hardi, les poèmes incarnent les idées avec originalité et enthousiasme. Les Troubadours partaient de ville en ville, de château en château, pour prôner des valeurs de la société courtoise, répondant à un idéal de société. La courtoisie est une attitude morale liée au rang de la noblesse. C’est la vertu, la loyauté, la générosité.
Le modèle courtois a donné naissance à la fin’amor, un amour d’un genre nouveau entre la Dame et le chevalier. Le chevalier va essayer de se dépasser pour mériter sa Dame. Chaque exploit est un hommage rendu. En échange, la Dame lui offre amour et protection. C’est un idéal qui met la femme en position forte par rapport à l’homme dans le lien amoureux.
Des poètes courtois riches et célèbres
Les poètes peuvent être de grands seigneurs, tels Guillaume IX de Poitiers ou Raimbaud d’Orange, ou des hommes de plus basse condition, tel Cercamon. Les poètes courtois les plus célèbres sont Adam de la Halle (1240-1288) et Guillaume de Poitiers (1071-1127). Ils exerçaient sur l’opinion des cours une influence politique et distribuaient éloges et blâmes, tour à tour libertins et interprètes des passions de la foule. Ils ont pesé un grand poids dans les actes de leurs temps. Cet art était accessible aux femmes. Elles composaient des chansons de toile, des pastourelles et des lais sur le thème de la courtoisie. Marie de France (1154-1189) est certainement la plus connue de ces femmes poètes. Son œuvre des Lais s’est imposée dans la postérité. Le lai, tel qu’il est pratiqué par cet auteur est une forme lyrique de récit romanesque emprunté à la matière de Bretagne. Ils plaisaient beaucoup et exaltaient un sentiment tendre et mélancolique.
Guillaume de Poitiers, Bernard de Ventadour chantent l’amour source de prouesses.
Guillaume IX d’Aquitaine, Comte de Poitiers, est considéré comme le premier grand Troubadour. À la Cour d’Aliénor d’Aquitaine, la petite-fille de Guillaume IX de Poitiers, a contribué à faire passer la culture de la langue d’oc marquée par la fin’amor, le domaine de la langue d’oil, promeut le recueil de Marie de France – Lai(s) – qui adaptera de manière raffinée la matière de Bretagne (légendes rustres) représentant l’ensemble des textes écrits au Moyen Âge autour des légendes de l’île de Bretagne et de l’Armorique actuelle. Elle représente la tradition celtique, par opposition à la tradition carolingienne de la matière de France et aux traditions latines et antiques de la matière de Rome en langue vernaculaire.
Des poèmes et des extraits
Extrait du lai du Chèvrefeuille – Marie de France :
Ceo li dïent qu’il unt oï
Que li barun erent bani,
A Tintagel deivent venir,
Li reis i veolt sa curt tenir,
A pentecuste i serunt tuit;
Mut i avra joie e deduit,
E la reïnë i sera.
Tristram l’oï, mut se haita:
Ele ne purrat mie aler
K’il ne la veie trespasser.
Le jur que li rei fu meüz,
E Tristram est al bois venuz
Sur le chemin quë il saveit
Que la rute passer deveit,
Une codre trencha par mi,
Tute quarreie la fendi.
Quant il ad paré le bastun,
De sun cutel escrit sun nun.
Farai un vers de dreit nien (1091) – Guillaume IX de Poitiers
Farai un vers de dreit nien Non er de mi ni d'autra gen Non er d'amor ni de joven Ni de ren au Qu'enans fo trobatz en durmen Sus un chivau No sai en qual horam fui natz No soi alegres ni iratz No soi estranhs ni soi privatz Ni non puesc au Qu'enaisi fui de nueitz fadatz Sobr'un pueg au No sai coram fui endormitz Ni coram veill s'om no m'o ditz Per pauc no m'es lo cor partitz D'un dol corau E no m'o pretz una fromitz Per saint Marsau Malautz soi e cre mi morir E re no sai mas quan n'aug dir Metge querrai al mieu albir E no.m sai tau Bos metges er si.m pot guerir Mas non si amau Amigu'ai ieu non sai qui s'es C'anc no la vi si m'aiut fes Ni.m fes que.m plassa ni que.m pes Ni no m'en cau C'anc non ac Norman ni Franses Dins mon ostau Anc non la vi et am la fort Anc no n’aic dreit ni no.m fes tort Quan no la vei be m'en deport No.m prez un jau Qu'ie.n sai gensor e belazor E que mais vau No sai lo luec on s’esta Si es m pueg ho es en pla Non aus dire lo tort que m’a Albans m’en cau E peza.m be quar sai rema Per aitan vau Fait ai lo vers no sai de cui Et trametrai lo a celui Que lo.m trameta per autrui Enves Peitau Que.m tramezes del sieu estui La contraclau
La poésie du XIe siècle a un charme lyrique et porte l’étendard des idées de son époque, en toute liberté et en chants. Jeux d’influence et d’opinions politiques sur fond épicurien, les chants transportent les débats, faisant avancer les idées progressistes, une vie en société idéale à la fois révolutionnaire dans sa liberté d’expression et pacifique dans son humanisme. Une culture d’un siècle royaliste où l’on se (re)plonge avec plaisir et d’y découvrir, pourquoi pas, des valeurs traditionnelles et sociétales oubliées dans cette dystopie du Monde moderne.
Véronique LA ROSA