LITTÉRATURE – Jean-Paul Kaufmann, Prix Audiberti 2025

Le Prix littéraire Jacques Audiberti a été fondé en 1989 par la Ville d’Antibes Juan-les-Pins et récompense un écrivain qui par son œuvre « à contribuer à faire rayonner la Méditerranée et qui entre en résonnance avec l’œuvre de Jacques Audiberti, écrivain, poète, dramaturge né le 25 mars 1899 à Antibes » dixit le président du Jury, l’écrivain, Didier Van Cauwelaert.

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C’est toujours à la Villa Beaumont Eilenroc que ce prix est remis « en fidélité à la culture méditerranéenne ». Parmi les lauréats, on retrouve Félicien Marceau, Jean Raspail, Jean d’Ormesson, Michel Déon, Sylvain Tesson, Jean-Marie Rouart…

Le droit à l’oubli du statut « d’Otage du Liban »…

Cette année, c’est le journaliste écrivain, Jean-Paul Kauffmann qui a été retenu notamment pour son dernier livre, « L’Accident » qui relate un drame du 2 janvier 1949 qui entre directement en résonnance avec son enlèvement à Beyrouth, le 22 mai 1985. Il sera otage durant 3 ans et ce statut lui colle désormais à la peau. C’est pour en finir avec cette étiquette « Otage du Liban » qu’il a écrit ce livre comme il l’a dit dans des propos liminaires après l’annonce de son Prix. « Le lecteur est le co-auteur de ce livre, « L’Accident »… C’est un ouvrage qui parle de réconciliation, de gratitude aussi, des victimes qui ne doivent pas être déterminées à Vitam aeternam par ce qu’elles ont vécu. On a le droit de tourner la page, de vivre, de reprendre notre liberté, d’oublier aussi… De reprendre possession de nos vies ». Et d’ajouter : « J’ai eu une enfance heureuse dans les années 50, le monde était en Noir & Blanc, on aspirait à retrouver le merveilleux et le vieux fond païen des années 30. Ce livre, je l’ai écrit par reconnaissance. C’est ce souvenir de mon enfance qui m’a sauvé ».

« Tous les enfermements se valent »…

Pour autant, son emprisonnement durant 3 ans lui colle à la peau et transparaît dans toute son œuvre. Il l’avoue lui-même : « J’ai eu une longue période de convalescence, il a fallu que je remonte à la surface, par pallier. Dans « L’Arche des Kerguelen » (1993), il n’y a aucune allusion à ce que j’ai vécu… Le voyage en bateau a été lent et je me suis nourri de cet ennui, d’imaginer ce que cela a pu être pour Napoléon de vivre 5 années de captivité et forcément de résonner avec la mienne, de captivité… Tous les enfermements se valent même s’ils ne se ressemblent pas… ». Dans « La Lutte avec l’Ange » (2001), rien sur le Liban. Il revient dans « La Maison du Retour » (2007). « Ce livre m’a permis de remonter à la surface. Quand vous revenez de 3 ans d’enfermement, tout vous paraît anormal. J’ai fait un parallèle avec une maison que l’on doit restaurer qui en fait est moi… Le jour de ma libération, j’ai cru que j’allais être exécuté… Je crois en la force du destin ». Lors de sa captivité, il ne faisait pas de cauchemars, c’est à sa libération que les mauvais rêves sont venus le hanter…

Un « Artisan » qui a horreur de la « résilience »…

Alors « L’Accident » est-il bien fini ? Comme l’a remarqué le maire d’Antibes Juan-les-Pins, Jean Leonetti, il reste les odeurs… Jean-Paul Kaufmann y souscrit : « Napoléon était très sensible aux odeurs… Dans mon livre, il y a celle de la Boulangerie qui est un laboratoire des sens… Ce sont les odeurs de Pâtisserie qui m’ont amenées à ce métier de journaliste ». Peut-on parler de « résilience » ? Pas du tout. L’auteur le récuse : « J’ai horreur de ce terme ! Aujourd’hui, on met de la « résilience » de partout ! Je ne suis pas une balle de ping-pong ! la « résilience », c’est comme un papier gras qui a traîné partout ! ». Jean-Paul Kauffmann s’estime-t-il comme un écrivain lui qui a eu le prix Paul Morand de l’Académie Française en 2002 ? Non. Il se voit plus comme un « artisan ». Et d’ajouter : « Si on retient une image, une métaphore, de mon livre « L’Accident », c’est déjà pas mal, c’est gagné ».

Pascal Gaymard

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