Par Mathilde Vignal – Photos Dominique Maurel
Cannes, jour 2 : Entre classes sociales et silences pesants
Deuxième jour sur la Croisette, et déjà cette impression familière : celle de naviguer entre un cinéma de combat et une mise en scène du glamour toujours plus contrôlée.
D’un côté, Enzo, film d’ouverture de la Quinzaine des Cinéastes, prolonge une certaine idée du cinéma social français.
On y suit un jeune bourgeois qui quitte le confort de sa scolarité pour rejoindre un chantier. La caméra de Campillo (qui prend ici le relais du défunt Laurent Cantet) capte la rudesse du monde ouvrier, l’âpreté du quotidien, et les failles identitaires d’une jeunesse en quête de sens. Rien de nouveau sous le soleil thématique, masculinité en crise, éveil politique, déracinement, mais une sincérité indéniable. Le film touche plus qu’il ne bouscule. Une œuvre modeste, presque pudique, dans une sélection où la surenchère guette souvent.

À l’inverse, The Sound of Falling de Mascha Schilinski m’a désorientée. C’est cérébral, fragmenté, exigeant jusqu’à l’opacité. Une séance où l’on se perd plus qu’on ne s’abandonne. J’ai regretté d’avoir troqué ce film contre l’entretien avec Robert De Niro, qui semble avoir offert un moment rare de transmission et de recul sur le métier d’acteur. Un choix de programmation, un pari raté.
Heureusement, Two Prosecutors de Sergei Loznitsa m’a rattrapée. C’est une plongée suffocante dans les rouages de la justice stalinienne, le film est porté par un acteur glaçant de retenue, Aleksandr Kuznetsov. Une bande-son minimaliste, presque angoissante, où le silence devient cri. Le récit n’est pas aimable, mais il marque.

Côté festival, les règles du jeu évoluent aussi hors écran. Nouveau dress code plus strict, adieu les robes transparentes ou les traînes interminables, officiellement pour des raisons de sécurité. Officieusement ? Un peu de décence face à un monde en feu. Cela n’a pas empêché Heidi Klum ou Wan QianHui de défier les règles. Polémique en talons hauts, comme toujours à Cannes. Le tapis rouge, c’est aussi une scène politique, même en satin.
Cannes 2025 se veut plus sobre… mais jamais silencieuse. Et c’est bien là que réside son paradoxe : entre cris du monde et chuchotements de velours, le Festival continue à raconter notre époque, à sa manière.
