Entre productions, coproductions et grands noms, il nous raconte ses défis, ses succès et ses projets pour L’Antibois.
L’Antibois : C’est la 12ème année d’Anthéa, un chiffre symbolique. Vous évoquez la fin d’un cycle, comme un tour de cadran. Comment résumez-vous ces 12 premières années ?
Daniel Benoin : 12 ans, c’est effectivement un cycle, mais cela ne veut pas dire que tout s’arrête, au contraire, tout recommence ! On est à un moment où, quand tout marche très bien, il faut tout repenser, ou presque. Nous avons 15 500 abonnés, ce qui fait d’Anthéa le 2ème théâtre de France et le 1er en province. Camus disait que « quand tout va bien, il faut se poser des questions ». C’est exactement ça. Nous ne changerons pas tout, bien sûr, mais il est temps de réfléchir à de nouvelles perspectives. Cela commence parfois par des ajustements dans les équipes. Ici, nous avons formé de nombreux professionnels qui deviennent excellents et partent pour d’autres aventures, c’est normal. Et d’autres talents arrivent. Ensuite, il y a bien sûr la question des productions. Nous devons continuer à produire des spectacles qui voyagent à travers la France et à l’étranger. Aujourd’hui, des productions nous sont proposées en priorité, et cela prouve notre rayonnement. Enfin, il faut aussi réfléchir à nos abonnés. Comment amener autant de monde à s’abonner chaque année ? C’est un vrai défi, mais nous trouverons des solutions. Ce nouveau cycle doit nous permettre de continuer à faire grandir Anthéa.
Productions et coproductions : au cœur de la vie du théâtre
LA : La création et la production sont des missions clés pour un théâtre. Comment cela se traduit-il à Anthéa ?
DB : Un théâtre n’a de valeur que s’il crée et produit, c’est la base. Il ne peut pas être simplement un lieu d’accueil. La création permet de nourrir la vie interne du théâtre, de faire vivre le lieu différemment. Quand une troupe répète ici, c’est une énergie particulière. Cela change tout. En janvier, par exemple, nous allons produire « Personne d’autre », une pièce de Botho Strauss, un auteur allemand, l’un des plus grands du XXe siècle. Je vais la monter avec Elsa Zylberstein. C’est l’histoire d’une femme qui écrit à l’homme qu’elle a aimé pendant 17 ans, qui se marie avec une autre. Une histoire simple, mais qui devient très forte et bouleversante. Le texte est magnifique, et je pense qu’il résonnera beaucoup avec le public.
En coproduction, nous avons la chance d’accueillir Camille Cottin, qui n’est pas revenue ici depuis 2014. Elle est aujourd’hui l’actrice française la plus demandée à l’étranger. Nous avons coproduit un spectacle avec elle, et je suis ravi qu’elle revienne sur nos planches malgré son emploi du temps très chargé.
Carmen, troupes locales et jeunes talents
LA : Parmi les coproductions, on retrouve également des classiques comme « Carmen »…
DB : Oui, nous reprenons « Carmen », que j’avais déjà monté en 2017. Cette année marque aussi le 150e anniversaire de cette œuvre. C’est un événement majeur. C’est sans doute l’opéra le plus joué au monde, et il est fascinant de voir comment il continue d’inspirer de nouvelles idées. Il est important pour un théâtre comme le nôtre de s’approprier ces grandes œuvres tout en apportant quelque chose de nouveau.
Nous avons aussi une relation particulière avec des troupes locales comme le Collectif 8, que j’ai soutenu dès le début. Ils sont aujourd’hui l’une des compagnies les plus étonnantes en France. Ils cartonnent à Paris et Avignon, mais ils restent fidèles à Antibes. C’est une fierté de les voir grandir, et je continue de les accompagner dans leurs projets.
LA : Vous mentionnez aussi l’association avec d’autres théâtres de la région…
DB : Absolument. Nous faisons partie d’une association qui regroupe les sept plus grands théâtres de la région Sud. Cela nous permet de produire des spectacles ensemble, comme « Taire », une coproduction avec le Théâtre National de Nice. C’est un projet passionnant, et nous invitons nos spectateurs à aller le voir à Nice, car il s’agit d’une œuvre que nous avons contribué à créer.
Des invités prestigieux à ne pas manquer
LA : Anthéa accueillera également des noms prestigieux du théâtre et du cinéma…
DB : Oui, nous avons une programmation très riche cette saison. Isabella Rossellini, Luz Casal, Audrey Tautou, qui n’est pas montée sur scène depuis 20 ans. C’est une vraie rareté, et je suis très heureux qu’elle ait choisi de revenir sur les planches ici, à Antibes. C’est un événement à ne pas manquer.
Raphaël Enthoven sera également présent avec une interprétation très personnelle de Camus. Il n’est pas acteur à la base, mais il a un vrai talent pour l’interprétation, et je pense que cela touchera notre public.
LA : La Comédie Française est également au programme…
DB : Oui, c’est un rendez-vous important. La Comédie Française est la première institution théâtrale du pays, et nous sommes fiers de les recevoir ici. C’est normal qu’ils viennent à Anthéa, car nous sommes le 2ème théâtre de France.
Un théâtre pour tous les publics
LA : Certains spectacles affichent déjà complet. Allez-vous ajouter des représentations ?
DB : Oui, c’est le cas pour certains spectacles très attendus, comme « La Note » avec François Berléand et Sophie Marceau, le « Vidéo Club » avec Yvan Attal ou encore « Le Cercle des poètes disparus ». Mais il est important pour moi de ne pas programmer uniquement des spectacles grand public. Nous avons aussi des créations originales, des spectacles plus confidentiels. L’essence de notre programmation, c’est d’offrir aux abonnés l’opportunité de découvrir des œuvres qu’ils n’auraient pas vues autrement.
Ainsi, on pousse les gens à élargir leurs horizons, à découvrir de nouvelles choses.
LA : La programmation musicale est aussi très éclectique…
DB : Oui, nous accueillons des artistes variés comme Jeanne Mas, Pink Martini, ou encore Agnès Jaoui qui va chanter. L’Orchestre National de Cannes sera aussi de la partie. Nous avons une programmation musicale très large, qui reflète notre volonté de toucher tous les publics. C’est cette diversité qui fait l’attrait et le succès d’Anthéa.
Propos recueillis par Sanya Maignal