Si le froid s’est installé sur la Croisette, il n’en va pas de même dans les salles où était présenté le dernier Pedro Almodovar, DOULEUR & GLOIRE. Le film était tellement attendu que chacun en avait une version dans la tête qui n’est pas celle réalisée au final pour le Maestro Espagnol. Autobiographique jusqu’à l’impudique, Pedro Almodovar se livre, dans sa solitude, ses incertitudes, ses doutes sur son métier, son image, sa vie. Par instants, cela s’apparente presque à un documentaire de fiction. Là où il touche à la grâce, c’est que Douleur & Gloire renvoie le spectateur à ses propres interrogations sur le temps qui passe, le bonheur, l’amour laissé sur le bas-côté pour cause de carrière, d’éloignement, de négligence. Il y a les addictions pour compenser, l’entourage pour soulager, et toujours l’écriture comme ultime remède contre l’ennui, contre le vieillissement, contre la maladie… C’est certainement le film le plus personnel, le plus bouleversant, le plus réaliste sur Pedro Almodovar qui (re)trouve en Antonio Banderas (ils ont été fâché 21 ans après Attache-moi…), un double parfait. Que dire encore de l’exceptionnelle prestation d’une Pénélope Cruz… Alors Pedro enfin Palme d’Or ? On signe et on persiste : Si Maestro ! D’autant que dans le Jury, il y a 6 réalisateurs auxquels les propos d’Almodovar devraient faire écho…
L’autre film en Compétition Officielle, LITTLE JOE de l’autrichienne, Jessica Hausner (Amour Fou) nous parle du pouvoir d’une plante qui peut nous rendre heureux à condition d’être son protecteur, son esclave, son promoteur… Univers glacé, sentiments froids, relations polies, Little Joe dégage aucune émotion à l’image de « l’épidémie » propagée par cette plante des temps modernes… L’autre grand choc de la journée après Douleur & Gloire, a été la présentation de PAPICHA de Mounia Meddour dans la sélection officielle, Un Certain Regard. Ce 1er film de cette réalisatrice algérienne revient sur les années 90 à Alger avec la montée de l’intégrisme islamique. Toute la société, hommes comme femmes, semble avoir été prise de folie collective. La charia et le port du voile intégral s’affichaient sur des slogans, des affiches et dans les mots de crétins persuadés de délivrer la bonne parole du prophète. Dans ce maelstrom de bêtise et de violence, quelques étudiantes essaient de lutter contre la régression de la société en organisant dans les locaux de la Fac, un défilé de mode de haïk, le carré de tissu traditionnel. Film courageux, pamphlet contre un Etat algérien complice des intégristes, hymne à la vie d’une jeunesse féminine qui n’en peut plus des codes religieux, Papicha est un film choc qui redonne confiance en un pays sinistré par la corruption d’un clan Bouteflicka, associé aux islamistes. Dans un registre bien plus léger et drôle, THE CLIMB, produit par des producteurs cannois, Ad Astra, conte les aventures de deux amis que les femmes séparent. Présenté à Un Certain Regard, le film de Michael Angelo Covino nous a permis de rire avec les tribulations de Mike et Kyle, deux loosers magnifiques qui ont le don de se mettre dans des situations impossibles… Les limites de l’amitié passent-elles par l’absence de désir pour la femme de son pote ? La question reste posée…
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