Souvent vilipendé par toute l’intelligentsia française, Eric Zemmour dérange autant ses détracteurs qu’il est adulé par ses partisans. Rencontre avec un journaliste, écrivain, observateur hors pair de la vie politique française, chroniqueur et historien original qui a fait de la France un sujet de défense nationale envers et contre tous…

LE PETIT NICOIS : Pourquoi revisiter l’Histoire de France en vous mettant en scène?

Eric Zemmour : Je ne parle de moi que dans l’introduction. J’évoque mes origines, mes convictions, ma famille…J’ai toujours aimé l’Histoire de France, ce Destin Français, ce sont mes analyses sur cette Histoire millénaire. Depuis 40 ans, tous ceux qui ont écrit sur l’Histoire de France n’ont eu de cesse que la déconstruire, d’en faire une lecture idéologique où la France a toujours le mauvais rôle. Leur discours est une mise en cause permanente de ce que nous avons fait, une négation de la France qui n’a plus d’âme dans leur bouche. Moi, je fais juste le contraire avec le Destin Français. Il en résulte un tombereau d’insultes. Gramsci disait : « Toute bataille politique est d’abord culturelle ». J’ajoute que « Toute bataille culturelle est d’abord historique ». Orwell affirmait : « Celui qui tient le passé tient l’avenir ; celui qui tient le présent tient le passé ».

LPN : Quel choix avez-vous fait au départ de ce travail ?

Z. : Au départ, ma ligne de fracture a été la suivante : ceux qui ont la côte aujourd’hui représentent en fait des catastrophes ; ceux qui sont diabolisés aujourd’hui ne sont pas si mauvais. J’ai inversé les schémas préconçus, ces images d’Epinal d’aujourd’hui qui sont le contraire de celles de la fin du 19e siècle lorsque cette expression, « images d’Epinal », est née… Concrètement, j’ai tiré à boulets rouges sur Hugo, Voltaire, Talleyrand, et j’ai défendu Richelieu, Napoléon, tout en essayant de rétablir une réalité occultée sur Pétain. J’ai évoqué aussi des lieux comme Notre-Dame, le Palais Royal ou la Tour Eiffel. Ce que je voulais montrer et démontrer, c’est que notre époque est une concentration de toutes les crises passées : grands féodaux, guerres de religion, invasion islamiste, domination des femmes dans l’espace public, anglomanie devenue américomanie, fascination des élites pour l’Allemagne après 1870… Un homme qui va mourir voit défiler toute sa vie, la France est dans cet état aujourd’hui.

LPN : Vivons-nous la fin d’un cycle ou une crise majeure et définitive selon vous ?

Z. : Le grand historien, Pierre Nora, a dit : « La France a un futur mais pas d’avenir ». Pour une double raison : par le passé, la France a toujours été au cœur de l’Histoire, période féodale, Croisades, Révolution, Industrialisation, Démocratie, Socialisme… elle était moteur de tous les événements. Au XXe siècle, elle est devenue de plus en plus spectatrice de sa propre Histoire. Elle n’a pas été au centre des grands « ismes » : communisme, fascisme, consumérisme… Par ailleurs, nous vivons aujourd’hui un grand basculement entre le Sud et le Nord. Le rapport démographique a changé, les nouvelles populations immigrées venues d’Afrique ne veulent pas adopter les codes de la France. Elles ont leurs propres dieux, leur propre religion, une autre civilisation… La France est en danger de mort. Ce qui pose la question du christianisme. Ce christianisme a unifié des populations disparates sur le territoire de la France, et s’est servi de l’épée des rois qu’ils mettaient à son service. Ce christianisme repose sur trois grands piliers : la loi juive, la raison grecque, l’amour chrétien. Aujourd’hui, seul demeure l’amour chrétien d’où un déséquilibre fondamental. Le christianisme qui ne repose que sur l’amour de l’Autre au risque de la haine de soi.

LPN : Ces « élites », quelle part de responsabilité ont-elles ?

Z. : Le drame des « élites » françaises, c’est celui de l’évêque Cauchon, qui donnera Jeanne d’Arc aux Anglais pour qu’ils la brulent. Un intellectuel confronté à une bergère inculte. Dans sa tête, il faut faire la paix entre la France et l’Angleterre après la cuisante défaite des Français à Azincourt. Unifier les couronnes pour être plus fort ensemble… en sacrifiant le peuple au passage. C’est la matrice de toutes nos élites d’aujourd’hui. La France ne domine plus l’Europe depuis la défaite de Louis XV lors de la guerre de 7 ans en 1763, et celle de Waterloo avec Napoléon en 1815. Depuis les élites françaises se cherchent un autre maître, Anglais, Allemand, Américain, Européen… Cauchon me fait penser à Trichet, l’ex-directeur de la Banque Européenne qui, lors de sa première conférence de presse, a déclaré : « I’m not french ». Aucun commissaire français à la commission de Bruxelles n’a jamais défendu les intérêts de son pays contrairement à tous les autres. Le populisme naît de cet abandon des « élites ». L’Américain, Christophe Lash, l’avait bien compris, lui, qui parlait de la « révolte des élites ». Le populisme, c’est le cri des peuples qui ne veulent pas mourir.

LPN : Etes-vous optimiste ?

Z. : C’est une question que l’on me pose souvent. J’essaie de regarder les choses en face. Je n’ai pas de position a priori. Comme le dit Georges Bernanos : « Le pessimiste est un imbécile malheureux, l’optimiste un imbécile heureux »… 

LPN : Existe-t-il une intégration heureuse ?

Z. : La seule intégration heureuse : accepter notre héritage. Devenir des Gaulois ! C’est l’assimilation. Dire « ON » quand on évoque Murat chargeant avec la cavalerie française à la bataille d’Eylau, même si ses ancêtres biologiques n’y étaient pas. Et même si ses ancêtres étaient dans le camp des adversaires russes. Nous avons renoncé à cette assimilation. Les « élites » comme les nouveaux arrivants n’en veulent pas. Au nom de « l’intégration », nous récoltons du coup la « désintégration ». Le modèle républicain est mort et enterré.

LPN : Quels sont vos portraits préférés du Destin Français ?

Z. : Celui que j’admire le plus est sans aucun doute Napoléon, le plus génial. La France est le pays de la littérature avec Racine, Saint Simon, Chateaubriand ou Balzac. Par eux, j’ai été imprégné de culture française. Ce « devenir Français par la littérature » a disparu… Au final, c’est vrai, je suis sans doute un imbécile malheureux…

Propos recueillis par Pascal Gaymard

Questionnaire à la Proust…

Le principal trait de votre caractère ? La rapidité. Pour le meilleur et pour le pire…

La qualité préférée chez un homme ? L’intelligence.

Chez une femme ? Le charme.

Le bonheur parfait selon vous ? La lecture des Mémoires d’Outre-Tombe.

Votre moment le plus heureux ? Ils sont multiples… Mon entrée à Sciences Pô Paris ou les 500 000 exemplaires vendus du Suicide Français

Votre dernier fou rire ? Un bon mot de l’un de mes enfants.

Dernière fois où vous avez pleuré ? La mort de mon père en 2013.

Votre film culte ? Barry Lyndon et les Tontons Flingueurs.

Votre occupation préférée ? La lecture et l’écriture.

Votre écrivain favori ? Chateaubriand et Balzac.

Votre livre préféré ? « Les Mémoires d’Outre-Tombe ».

Votre dernier livre ? Allan Bloom : « L’Ame désarmée ».

Votre héros ou héroïne dans la vie ? Ma mère.

Votre figure historique ? Napoléon.

Votre héros de fiction ? Lucien de Rubempré dans « Les Illusions Perdues » de Balzac.

Votre musicien préféré ? Jean-Baptiste Pergolèse et les Rolling Stones.

Votre chanson ? « La Bohême » de Charles Aznavour

Votre couleur ? Rouge.

Votre boisson ? Le Meursault en Blanc, et le Gevry-Chambertin en Rouge.

Que possédez-vous de plus cher ? Mes 3 enfants.

Les fautes pour lesquelles vous avez le plus d’indulgence ? Celles provoquées par la colère.

Qui détestez-vous vraiment ? La bêtise.

Une chose à changer dans votre aspect physique ? Avoir plus de cheveux.

Que serait votre plus grand malheur ? Ce fut la mort de mes parents.

Votre plus grande peur ? Le handicap, ne plus lire, ou ne plus marcher ou faire du sport.

Votre plus grand regret ? Ne pas avoir été Johan Cruiyff ou Mick Jagger.

Qu’avez-vous réussi de mieux ? Mes enfants.

Votre devise ? J’hésite entre celle de Napoléon III : « Je crois en moi et je crois en Dieu » et celle de Gaston Gallimard : « Des livres, des femmes et quelques bains de mer ».