HOMMAGES : Nos chers disparus: Suzy Delair et Max Von Sydow…

En ce mois de mars, le cinéma compte aussi ses morts. L’actrice, Suzy Delair, 102 ans, nous a quitté tout comme le géant suédois, Max Von Sydow, âgé de 90 ans.

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Suzy Delair, la pétulante égérie et compagne de Henri-Georges Clouzot

Actrice, chanteuse, danseuse, reine de l’opérette et des revues de music-hall, Suzy Delair avait toutes les qualités et était sidérante dans toutes prestations. Chez Offenbach, dans les opérettes La vie parisienne ou La Périchole…, Grand Prix du disque comme chanteuse (Avec son tralala), Compagnie Renaud-Barrault pour le théâtre, elle excellait en tout. Elle était la reine du music-hall et plus rare, également du théâtre et du cinéma. Elle restera dans l’histoire du cinéma comme l’égérie du très perfectionniste Henri-Georges Clouzot qui en tombera fou amoureux et dont il fera sa femme durant 10 ans. Il lui donnera ses deux plus grands rôles dans deux films mythiques, L’assassin habite au 21 (1942) et Quai des Orfèvres (1947). À chaque fois, elle jouait des rôles de charmante empoisonneuse de Pierre Fresnay ou de Bernard Blier…, ce dernier aimait à répéter : « Chaque matin, ma femme commence la journée par un petit acte sexuel, elle me casse les couilles ! ». Dans Lady Paname (1949), elle était éblouissante, survoltée, tout en plumes… sous l’œil de la caméra de Henri Jeanson. Dans Gervaise (1955) de René Clément, adaptation de L’Assommoir de Zola où Maria Schell administrait une mémorable fessée à Suzy Delair… Après, elle était tout naturellement destinée à tourner avec Sacha Guitry dans Si Paris m’était conté (1955), mais aussi dans Rocco et ses Frères (1960) de Luchino Visconti, Dans Du mouron pour les petits oiseaux (1962) de Marcel Carné, et enfin dans Les Aventures de Rabbi Jacob (1973), où elle joue Germaine Pivert, la femme de Louis de Funès, une dentiste très jalouse. Ce sera l’une de ses dernières apparitions au cinéma. Elle a incarné la femme française, frivole, mutine, enquiquineuse à souhait (selon les propres mots de Gilles Jacob) mais aussi une imitatrice hors pair notamment la grande Sarah Bernhardt. Yeux malicieux, vive répartie, Suzy Delair a eu un regain de gloire en 1980 avec Véronique, un spectacle à l’Opéra de Paris signé André Messager, et en 2004 où elle retrouve les plateaux pour évoquer la mémoire d’Albert Willemetz, un des pères de l’opérette moderne au XXe siècle. Cela lui vaudra, la même année, l’Orphée du meilleur enregistrement d’opérette pour son CD anthologique, De l’opérette à la chanson. Une belle vie bien remplie.

Max Von Sydow, l’éternel double à l’écran d’Ingmar Bergman

S’il y a un film qui résume toute la carrière immense de Max Von Sydow, c’est bien Le Septième Sceau d’Ingmar Bergman. Il y joue un chevalier qui défie la mort dans une mémorable partie d’échecs. Car ce géant suédois qui a débuté à l’Académie royale d’Art dramatique de Stockholm, s’est ensuite voué corps et âme au théâtre de Malmoë dirigé par un certain Ingmar Bergman. Entre eux deux, plus qu’une complicité, une véritable fusion. Max Von Sydow sera le double à l’écran du grand metteur en scène suédois de 1957 à 1977 dans tous ses films : après Le Septième Sceau, Les Fraises Sauvages, Au seuil de la vie, Le Visage, La Source, Les Communiants, L’Heure du Loup, La Honte, Une Passion, Le Lien, L’œil du Serpent… Bien sûr, il devient avec tant de chefs-d’œuvre, une référence mondiale et tout le monde le veut. John Huston le fait jouer dans La Lettre du Kremlin (1970), Jan Troell pour sa double saga (1971) qui démystifie le peuplement des États-Unis, Les Émigrants et Le Nouveau Monde, William Friedkin le prendra dans L’Exorciste (1973), pour incarner un prêtre, Sydney Pollack pour Les Trois Jours du Condor (1975), Bertrand Tavernier pour La Mort en Direct (1980), dans Flash Gordon où il joue un superbe Empereur Ming, John Milius dans Conan le Barbare (1982), David Lynch dans Dune (1984), Woody Allen dans Hannah et ses Sœurs (1985), Bille August dans Pelle le Conquérant (1986), film qui remportera la Palme d’Or au Festival de Cannes. Plus près de nous, il a été dans Minority Report (2002) de Steven Spielberg, Shutter Island (2010) de Martin Scorsese, Stars Wars, épisode VII : Le Réveil de la force où il est Lor San tekka, un proche de la famille Solo, ou encore la Corneille aux Trois Yeux dans la célèbre série Game of Thrones. Saison 6. Ce que l’on sait moins, c’est que Max Von Sydow était un amoureux de la France où il vivait en Provence avec son épouse Catherine Brelet, productrice et documentariste qui a annoncé sa mort. En 2002, il avait pris la nationalité française et s’était vu décoré de la Légion d’honneur en 2011. Outre Tavernier, il a tourné avec Jean-Paul Belmondo dans Un Homme et son chien (2009), avec Michèle Laroque, son amie proche, dans Oscar et la Dame en Rose (2009). Pour Gilles Jacob, ancien Président du Festival de Cannes, il était « l’un des plus grands acteurs du monde. Il pouvait jouer des rôles spectraux ou inquiétants, mais Max était d’une délicatesse et d’une humanité bien émouvantes ».

Pascal Gaymard