HOMMAGE: Juliette Gréco : La muse de Saint Germain des Près et de Ramatuelle…

À force, on la croyait immortelle, éternelle, présente, mais Juliette Gréco n’était qu’une femme libre, belle, sereine de 93 ans qui avait enterré tous les gens qu’elle aimait et qui attendait la mort avec une certaine impatience.

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Elle s’est éteinte chez elle, à Ramatuelle, dans sa superbe villa de l’Escalet, sur son divan, allongée, ce divan qu’elle ne quittait plus. Les hommages sont unanimes avec des mots récurrents qui reviennent : « icône », « vie hors du commun », « figure emblématique », « immortelle », et celui incontournable de « muse » d’abord de Saint-Germain-des-Près puis de Ramatuelle, de ce Festival présidé par un certain Michel Boujenah, inconsolable.

Serge Gainsbourg et sa « Javanaise »…

Elle a été l’amie de Boris Vian, du ténia de Sartre qui lui écrira des chansons qu’elle ne chanta jamais, de Jacques Prévert, de Françoise Sagan, son amie qui lui sauva la vie, de Raymond Queneau… Tous ont écrit pour elle puis Léo Ferré, Jacques Brel, Louis Aragon, Pierre Mac Orlan… Et enfin, Serge Gainsbourg dont elle a été la voisine, rue Vermeil à Paris. Un soir de champagne, boisson qu’elle adorait, elle s’est mise à danser devant lui… Le lendemain, il lui a apporté « La Javanaise » en 1962… Quand elle chantait sur scène, elle « habitait » ses textes, les faisait vivre, les transcendait… Qui n’a pas frissonné en entendant « Déshabillez-moi » ? Elle était bien plus féministe que toutes celles qui se prétendent comme telles aujourd’hui. Sa vie, elle l’a vécue en brûlant la chandelle par les deux bouts…

Miles Davis, Philippe Lemaire, Michel Piccoli, et Gérard Jouannest…

Elle a beaucoup aimé et a été particulièrement adulée. En 1949, elle se produit au Bœuf sur le Toit et rencontre Miles Davis, c’est le coup de foudre fugace, violent, éternel. Mais il repartira aux États-Unis où sévit une ségrégation raciale très dure. Il ne voudra pas qu’elle vienne avec lui « parce que je l’aime », dit-il, pour qu’elle ne vive pas comme un paria… Mariée à l’acteur français, Philippe Lemaire qui lui donnera sa seule fille, Laurence-Marie, qui a disparu avant elle en 2016, l’année de son dernier tour de chant qu’elle stoppera prématurément…après avoir fait un AVC. L’idylle ne durera que 3 ans de 1953 à 1956. Puis, ce sera Michel Piccoli qu’elle rencontre en 1952, qu’elle épousa en 1966 et dont elle se sépare en 1977. Et puis, Gérard Jouannest, le pianiste de Brel devenu le sien, à la scène comme à la ville. Ils se sont rencontrés en 1977 pour répéter ensemble à Ramatuelle, le mariage sera célébré en 1988 et ce compagnon si précieux disparaîtra en mai 2018, subitement. Depuis, elle attendait de le rejoindre…

Retours en 2003 et en 2015…

La « Jolie Môme » a inspiré plusieurs générations et a été la muse d’Alain Bashung, de Miossec, d’Abd al Malik, d’Hedi Slimane… En 2003, pour son retour, tout le monde veut écrire pour elle : Benjamin Biolay, Bénabar, Marc Lavoine, Amélie Nothomb, Melody Gardot, Féfé… Sa dernière tournée, elle la fera en avril 2015 au Printemps de Bourges et s’intitulera tout simplement « Merci », merci pour cette vie de rêve, pour ses éclats de rire, pour ses coups de cœur… Elle s’arrêtera en mars 2016 au Théâtre de l’Étang à Saint-Estève. La légende de Gréco a dépassé les frontières jusqu’au Japon et aux États-Unis où son « enthousiasme, son amour et sa passion » ont transcendé des générations. Juliette Gréco n’est plus, mais son histoire continuera longtemps dans l’esprit des jeunes à venir. C’est en cela qu’elle est réellement immortelle…

Pascal Gaymard

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