En ce mois de Décembre, après l’abject MISÉRABLES, nous avons eu bien d’autres occasion au cinéma, de frémir, d’aimer, de pleurer, de rire et de s’enflammer. Au premier rang, GLORIA MUNDI de Robert Guediguian nous rappelle Marius et Jeannette, la même verve dans les dialogues, la même rigueur dans la réalisation, la même justesse dans le jeu des comédiens au premier rang desquels les « anciens », Ariane Ascaride (primée à la Mostra de Venise), Gérard Meylan, Jean-Pierre Darroussin, mais aussi les « petits jeunes » tels qu’Anaïs Demoustier, Robinson Stevenin, Lola Naymark, Grégoire Leprince-Ringuet… Ils arrivent à nous rendre sympathique Marseille et ses habitants. Et puis, il y a ce clin d’œil macronien qui termine de manière jubilatoire. Alors pour tout ça, pour ce plein d’émotions, pour cet incroyable brio à nous faire aimer la vie, merci Monsieur Guediguian !
Dans un même registre militant, Costa Gavras a fait fort avec son ADULTS IN THE ROOM qui revient sur le drame qu’a connu la Grèce, engluée dans une dette astronomique et prise à la gorge par la troïka : le FMI, la Banque Centrale Européenne et le Parlement européen sous le joug d’Angela Merkel. Après ça, impossible de croire à cette Europe des financiers, des technocrates de la commission de Bruxelles, de la simple volonté de construire quelque chose avec ces gens-là, car chez ces gens-là, on n’aime pas, on compte sur le dos de tout un peuple !
Et puis, comment oublier dans le même registre du film militant, le chef d’œuvre qu’est J’ACCUSE qui rend hommage au Lieutenant Picquart qui n’est autre que celui qui a innocenté. Roman Polanski, prouve s’il en était encore besoin, qu’il est l’un des plus grands metteurs en scène du monde. Il a réussi « à faire grandir Jean Dujardin » dixit l’intéressé lui-même. Le meilleur film de l’année ? Sans doute.
Pour ceux qui préfèrent les scénarios à tiroirs bien ficelés, imprévisibles, et efficaces en diable, nous vous en proposons trois pour le prix d’un : A COUTEAUX TIRES prouve que même loin de l’habit de James Bond, Daniel Craig a toujours cette aura, cet incroyable charme, cette masculinité qui en fait un vrai mâle dominant. Il est le détective Benoît Blanc qui devine tout, sait tout, comprend tout, explique tout et résout tout. Impossible de ne pas penser à Agatha Christie dans A COUTEAUX TIRES ! Avec BROOKLYN AFFAIRS, Edward Norton nous entraîne dans le New-York des années 50, sur les traces d’un magnat de l’immobilier, Alec Baldwin, qui veut raser une partie de la ville pour laisser son nom à la postérité… Derrière la violence, les menaces, les combines, il y a la femme, celle qui éclipse toutes les autres, celle qui rend tout possible, celle qui est là pour rassurer notre héros, le rendre invincible, et le montrer plus fort, plus beau, plus juste… Et puis, il y a SEULES LES BÊTES de Dominik Moll avec Laure Calamy, Denis Menochet… Un véritable puzzle que ce film raconté à plusieurs voix, à plusieurs points de vue, à plusieurs regards qui au final n’en forme qu’un. Juste pour nous expliquer que le hasard n’existe pas, que la pensée est créatrice, que la fatalité ,’est qu’une vision de l’esprit, de nous-mêmes… Magnifique, troublant, émouvant.
Pour finir, trois films qui prennent aux tripes, l’un par le rire, l’autre par les sentiments mère/fille, et le dernier par la peur. Pour le rire, IT MUST BE HEAVEN, récompensé d’une Mention Spéciale du Jury lors du dernier Festival de Cannes, doit tout à son réalisateur et acteur principal, Elia Suleiman, sorte de mix entre Buster Keaton et Jacques Tati qui promène son regard désabusé à travers le monde avec une seule question : où peut-on se sentir chez soi lui qui vient de Palestine qui n’est pas un pays ? De rencontres en gags tous plus ubuesques les uns que les autres, on rit sur des sujets graves car comme l’a si bien dit John Boorman : « La vie est un méchant tour que les dieux nous ont joué et qu’il faut prendre en riant ». Pour les sentiments mère/fille, PROXIMA est un bijou de sensibilité, de pudeur, de justesse. Alice Winocour a les mots, les images, et les non-dits pour nous rendre compte du désarroi de ses personnages, la mère astronaute qui rêve de partir dans les étoiles, et sa fille bien terrienne qui oscille entre fierté, peur de la perdre (sa mère) et un immense amour filial. Bouleversant forcément, d’autant que rien n’est si simple, à quelques jours de quitter la Terre pour une année… Enfin, pour ceux qui ne vont au cinéma que pour le grand frisson, THE LIGHT HOUSE vu à Cannes à la Quinzaine et Prix PRESCIENCE de la Critique internationale au Festival du Film Américain de Deauville 2019, le mano à mano entre Willie Defoe et Robert Pattinsonage dans ce phare coupé du monde est l’un des scénarios les plus effrayants de ces dernières années. Le réalisateur, Robert Aggers, fait preuve d’un talent inouïe et d’une maestria rare dans ce type de film. Du grand film d’épouvante et d’horreur !
Pascal Gaymard