Que n’a-t-on pas entendu dans les couloirs feutrés du Palais auprès de certains de nos confrères soi-disant critiques de cinéma ! Le qualificatif qui est revenu le plus souvent : « monstrueux » !
Vous avez dit, « Monstrueux » ?
Les mots aujourd’hui ont-ils toujours du sens ou est-ce que certains les emploient à dessein pour faire le buzz, faire parler d’eux, exister, quoi !? « Monstrueux » TITANE ! Ce qui est « monstrueux », ce sont des barbares qui mettent le feu à un véhicule de flics coincés à l’intérieur, ce qui est « monstrueux », c’est le terrorisme islamique ; ce qui est « Monstrueux », ce sont toutes ces violences quotidiennes, viols, assassinats qui égayent le quotidien de nos journaux TV ; voilà ce qui est vraiment « monstrueux » ! Et certainement pas TITANE qui ne reste qu’un film, certes dérangeant, mais personne n’a imposé aux 21 festivaliers qui se sont sentis mal lors de cette projection, d’aller voir ce film.
Une époque de violences…
Ces 21 personnes, font-elles un malaise devant les informations lors de la présentation des faits précités ? Certes, non. Le filtre du canapé est là pour les éloigner de ces préoccupations qui ne sont un problème que pour les autres, pas pour nous. Alors oui, Julia Ducournau dérange, oui, elle a fait un film choc comme l’était GRAVE avant TITANE, oui, son film n’est sans doute pas parfait comme elle l’a elle-même exprimée. Mais c’est sa vision du monde et il ne prête guère aux réjouissances actuellement. Son univers est particulier, original, essentiel dans un cinéma aseptisé où les films les plus lents, les plus ennuyeux, les plus statiques sont encensés par les mêmes critiques depuis des lustres, qui n’ont pas compris que leurs avis ne font que du tort au cinéma. Les spectateurs qui les suivent peuvent se poser des questions. Pourquoi défendre ce film ? Et la désaffection de certains, voire la défiance par rapport aux films de Cannes, vient en partie de ce postulat.
Merci à Julia Ducournau
Alors merci à tous les membres du Jury de ce 74ème Festival de Cannes. Merci à Spike Lee malgré sa maladresse finale, merci d’avoir osé donner la Palme d’Or qui ne ressemble à rien que nous ayons vu jusque-là. Julia Ducournau, je voudrais simplement vous dire bravo. Ne vous excusez jamais de ce que vous êtes et de ce que vous faites. Suivez votre route, elle vous mène vers les étoiles du 7ème Art. Cette Palme d’Or n’est que le début, vous connaîtrez encore de grandes joies, je vous le souhaite de tout mon cœur. Ne changez rien, gardez votre liberté, et faites les films que vous voulez. Déranger, tourmenter, remuer, n’est-ce pas le rôle de l’artiste ? Dans un politiquement correct qui écrase toute idée novatrice, vous êtes un ovni salutaire. GRAVE était puissant, TITANE le surpasse. Que nous réservez-vous pour votre prochain film ? J’ai tellement hâte de le découvrir…
Pascal Gaymard