Il y a quelque trente-trois ans, les États membres du Conseil de l’Europe affirmaient dans la Déclaration sur la liberté d’expression et d’information leur ferme attachement aux principes de la liberté d’expression et d’information, en vertu de l’article 10 de la Convention. Cette protection vient d’être remise en cause par un arrêt de la CEDH.
Une protection ancestrale de la liberté d’expression
Indissociable de la démocratie, la liberté d’expression a été consacrée par les dispositions nationales et par l’article 10 de la Convention, obligeant les États à établir un système efficace de haute protection des auteurs ou journalistes (environnement favorable, participation aux débats, etc.) dans la diffusion d’opinions ou d’idées, sauf actes répréhensibles ou contraires au droit pénal interne, telles les discriminations, la violence ou la haine, étant des limites au droit d’expression. De même, la loi du 29 juillet 1982 a proclamé la liberté de communication audiovisuelle et a établit un régulateur de radio libre, en l’occurrence l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) depuis 2022, établissant un contrôle sur le respect visé à la loi de 1986: de la dignité de la personne humaine, la protection des plus jeunes, le caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinions, l’honnêteté de l’information, etc.
Une protection souvent divisée du droit d’accès aux informations
Corollaire de la liberté d’expression, le droit d’accès aux informations est divisé. L’affaire concernait le refus de donner accès à une journaliste juridique bulgare aux motifs de l’acquittement de l’ancien ministre de l’Intérieur, M. Tsvetan Tsvetanov, dont le procès pénal était ouvert contre lui parce qu’il aurait autorisé certains de ses collaborateurs à faire des mises sous surveillance secrète illégales. Les motifs de l’acquittement n’avaient pas été publiés en ligne, contrairement à ce qu’exigeait normalement le droit bulgare. Le tribunal de Sofia rejeta la demande de la journaliste d’avoir accès aux motifs de cet acquittement. La raison ? Des détails techniques sur l’utilisation d’équipements sont maintenus sous surveillance secrète de la Défense… Il est vrai que c’est une question d’intérêt public considérable en Bulgarie. La requérante attaqua ce refus qui selon elle, aurait violé l’article 10 de la Convention, mais en vain. Il devient donc difficile de faire confiance à la justice nationale ou européenne, lorsque des affaires politiques sont en jeu et priment souvent sur la liberté d’expression.
Une protection de la liberté d’expression de plus en plus bafouée
Le tribunal de Sofia aurait pu envisager d’éviter de révéler des informations susceptibles de mettre en danger la sécurité nationale, tout en expliquant de manière significative pourquoi il avait décidé d’acquitter l’ancien ministre de l’Intérieur et ses coaccusés. Mais aura-t-il vraiment cherché ? Son choix de garder secret l’intégralité des motifs de cet acquittement – avec l’ingérence dans les droits du requérant garantis par l’article 10 de la Convention qui en a résulté – la Cour n’ayant pas plus fait allusion au recours qui aurait pu lui être accordé au niveau national, doit donc être considéré comme se situant en dehors d’une société démocratique. Ce n’est pas sans rappeler l’insidieux débat sur la liberté d’expression en référence à la croisade menée par l’animateur Cyril Hanouna et les animateurs de la chaîne de Vincent Bolloré pour tenter de sauver le canal C8 qui serait victime par accointance d’une volonté politique de faire taire les opinions discordantes malgré une audience populaire…
Véronique La Rosa
Sources : Communiqué de presse – CEDH, 4 mars 2025, n° 4326/18, Girginova c/ Bulgarie.
