Hollywood peut dissoudre les talents comme il peut susciter des éclosions de réalisateurs talentueux tels que Quentin Tarentino auquel Guy Ritchie a souvent été comparé et associé. Il faut dire que lorsque RockN Rolla est sorti en 2008, tout le monde s’accordait sur le talent de cet Anglais qui n’avait pas son pareil pour écrire des histoires embrouillées qui finissaient par faire des puzzles parfaits à la fin. Entre-temps, plus rien. Son ROI ARTHUR était une catastrophe, son ALADDIN, pas terrible, mais l’auteur qui savait décrire des scènes subtiles d’arnaques et de violence sommeillait en lui. Avec THE GENTLEMEN, il revient aux sources, à son Angleterre, celle des gangsters qui prennent le thé, qui s’habillent de tweed, qui cultivent la beuh, de la Marie-Jeanne, la Marijuana quoi, « celle qui n’a jamais tué personne » contrairement « au poison asiatique qu’est l’héroïne ». Vous avez compris, on n’est pas dans le politiquement correct ici. Le ton est brut, l’arnaque travaillée, complexe, ciselée même. Au milieu du film, le spectateur est complètement perdu : trop de personnages, trop d’intrigues, trop d’enjeux. Comme si tout cela ne suffisait pas, Guy Ritchie ajoute un tournage de film dans le film, d’où la sensation que tout se crée sous nos yeux. On ne sait jamais à quel Saint (Le Saint) se vouer… Et puis, tout s’éclaire sans rien vous dévoiler bien sûr. Chaque intention, chaque geste, chaque mot, ont une résonnance et déclenchent des actions en conséquence. Hugh Grant est méconnaissable et génial en enquêteur véreux et manipulateur, tout comme Colin Farrell en gérant de salle de boxe, obligé de faire le gangster pour sauver ses « petits » qui ont fait des bêtises. Mais à tout seigneur, tout honneur, Matthew McConaughey alias Mickey Pearson est bien le personnage clé de ce film à tiroirs et aux multiples discours pas si innocents que cela. Son assistant joué par Charlie Hunnan est parfait tout comme l’épouse du lion McConaughey, la superbe Michelle Dockery, sans qui Mickey ne rugirait pas aussi bien et aussi fort. Et puis, Jeremy Strong en truand juif ou Eddie Marsan en journaliste pourri… Tous des archétypes qui participent à ce chaos de film dont sortira un semblant d’ordre…et de justice. Un thriller jouissif où tout est juste et parfait. Du grand Art. Merci M. Ritchie.
Pascal Gaymard