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CINEMA: Paul Vecchiali : « Le cinéma ? C’est faire l’amour avec la vie ! »

Enfant du Sud, de la Corse, amoureux de Nice, vivant dans le Var, Paul Vecchiali est un personnage dans le paysage cinématographique.

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Depuis 60 ans, il fait ses films à part, loin du showbiz, des paillettes, de Paris… lui qui a été l’une des figures de la Nouvelle Vague. Pourtant, rien a priori ne le destinait à être metteur en scène. Son parcours est des plus respectueux, il a fait l’ « X », Polytechnique… De passage dans « son » cinéma à Nice, Le Mercury pour la 4ème fois, où il a présenté son dernier film, « Un Soupçon d’Amour » mais aussi un inédit « Les Gens d’en Bas », il s’est livré au Petit Niçois.

Le Petit Niçois : Pour quoi l’ « X » puis le cinéma ?

Paul Vecchiali : J’adorais ma mère, elle a été et reste mon modèle, une femme exemplaire qui faisait la classe au Morillon aux enfants déshérités du quartier à Toulon. Elle voulait me voir avec le bicorne, c’était son rêve, je l’ai réalisé. Pour elle qui ne me quitte jamais. Après j’ai vu « A bout de souffle » et « Lola » de Jacques Demy qui est devenu mon meilleur ami. J’ai dit : « c’est ça que je veux faire. J’ai commencé à préparer, produire et écrire mon premier film, le 4 avril 1961, « Les Petits Drames ». J’ai perdu la copie, cela me rend un peu triste… Dans le film, Danièle Darrieux faisait une apparition, par pure amitié… Au casting, il y avait Nicole Courcel et Michel Piccoli qui à l’époque étaient ensemble. Elle n’était pas libre de suite car elle partait en tournée avec une pièce, Andromaque, la même que les actrices répètent dans « Un Soupçon d’Amour », mon dernier, je n’y avais pas pensé avant…

LPN : Que représente pour vous « Un Soupçon d’Amour » ?

PV : C’est mon film le plus important, le plus personnel, le plus nécessaire. Il est dédié à la mémoire de Léone et de ma fille Marie-Christine qui sont mortes accidentellement sur les rochers de l’île Rousse. Mais aussi à ma sœur Christiane, dont le fils, Michel, n’a vécu que 6 heures. C’est sur le travail de deuil que j’ai commencé en 1959 (pas en 1955 comme sur le carton du film). J’ai publié un roman dans les années 60 et je voulais en faire un film mais je ne voyais personne qui pouvait jouer mon propre rôle. Et puis, un matin, j’ai trouvé, il fallait une femme à la place. Mon amie, Marianne Basler, était la personne idoine. Si elle m’avait dit non, je n’aurais pas fait le film. C’est un film que j’aime à qualifier de spatio-temporel, chaque décor n’est pas sûr de correspondre à l’époque vécue surtout pour les scènes du jardin.

LPN : Quid du reste du casting ?

PV : Jean-Philippe Puymartin est le compagnon de Marianne Basler dans la vie, il s’est imposé naturellement. Tout comme Fabienne Bade que j’adore et avec laquelle j’ai fait déjà trois films. Elle est la rivale-complice de Marianne, la maîtresse du mari. Ils font tous le même métier, comédien.

LPN : Qu’est-ce que l’amour pour vous ?

PV : C’est tout à la fois. Quand on aime quelqu’un, il faut tout accepter, il faut que ce soit tout à la fois. Il y a plus d’amour dans une scène de dispute que dans une scène de sexe. L’Amour est la base de la vie. Qu’est-ce que faire du cinéma ? Le cinéma, c’est faire l’amour avec la vie.

LPN : Est-ce cela qui vous a plu dans la Nouvelle Vague ?

PV : Je suis un inconditionnel de Jean-Luc Godard. C’est moi qui ai poussé Michel Piccoli à faire « Le Mépris »… La liberté aussi. Je ne la retrouve guère aujourd’hui. J’aime les comédiens qui articulent, on parle trop vite et mal de nos jours. Dans « Un Soupçon d’Amour », on comprend ce que disent les actrices et acteurs. L’écriture filmique est essentielle pour moi. Je me sens très proche aussi d’un Jean Grémillon et plus proche, d’un Laurent Achard ou d’un Alain Guiraudie. « Ce vieux rêve qui bouge » est l’un des plus beaux films de ces 50 dernières années. Philippe Lioret aussi mais il n’a pas d’écriture filmique.

LPN : Qu’est-ce que vous appelez « écriture filmique » ?

PV : Chaque plan doit s’insérer, dépend, fait partie de l’ensemble des plans. J’écris mes scénarios comme s’il s’agissait d’écriture automatique. Après, je passe à l’écriture filmique. Je prépare mes films 4 mois à l’avance. Puis, mon directeur de la photo qui fait aussi office de cadreur descend de Paris pour voir les décors et tout se met en place avec les électros et les machinistes. Au 1er jour de tournage, chacun connaît son rôle et ce qu’il a à faire. Avec les comédiens, nous faisons une première lecture à plat pour voir s’il y a des mots qui ne conviennent pas. Au 2ème jour, une autre lecture à plat où je donne mes intentions. Après, nous sommes prêts.

LPN ! Quels sont vos projets ?

PV : Mon prochain film que nous allons tourner en février sera « Pas de Quartier », un musico-drame qui se passe dans un cabaret de travestis qui veut s’ouvrir à Ramatuelle. Le maire que je joue est enthousiaste mais son conseil municipal, beaucoup moins. Ils vont engager des sbires pour saboter le projet. Durant le confinement, j’ai écrit trois romans, un recueil de nouvelles et j’ai fini mon scénario de « Pas de Quartier ». J’ai aussi en prévision un remake de « La Chienne » de Renoir avec Olivier Marchal, le casting n’est pas fini…

LPN : Que représente le cinéma Mercury de Nice pour vous ?

PV : C’est un peu comme chez moi, je m’y sens à l’aise. J’ai des associations amies ici : Cinéma Sans Frontières, Regard Indépendant ou Héliotrope.

LPN : Vous considérez-vous faire partie du monde du cinéma ?

PV : Je fais des films. « Corps à cœur » en 1979 s’est classé en 1er dans la revue CINÉMAS devant « Apocalypse Now » ! À une journaliste qui me demandait un jour : vous n’êtes pas un peu dans la marge ? J’ai répondu : je ne suis pas dans la marge, je ne suis même pas dans le cahier ! Mais mon cinéma me plaît et je crois plaît aussi au public. C’est ce que j’ai pu encore constater le weekend du 19 et 20 septembre au Mercury où « Un Soupçon d’Amour » est toujours à l’affiche.

Propos recueillis par Pascal Gaymard

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