Il aura fallu attendre ce Vendredi pour entendre enfin le premier « Raoul ! » lancé par un journaliste festivalier, rappelant une vieille anecdote évoquant la mémoire de Raoul Mille, l’écrivain… Donc, une bonne étoile a priori, cette journée…où le Danois, Joachim Trier entre en compétition avec JULIE (en 12 chapitres). Sa Julie ressemble à s’y méprendre à Judith Godrèche, une héroïne qui passe d’un homme à l’autre au gré de ses envies et de ses pulsions. Renate Reinsve est une héroïne de son temps où « Carpe diem » est l’expression la plus populaire et urgente. Il faut vivre avant de choisir sa voie. Brûler la vie plutôt que de passer à côté d’une histoire. L’étude du couple est une constante dans l’œuvre de ce réalisateur. Ici, il l’analyse en 12 chapitres avec en sus, un prélude et un épilogue. Parce que le sexe, ce n’est pas tout, il faut lui ajouter des mots, des gestes, des attentions… JULIE débute comme une comédie à la Woody Allen, se poursuit comme un drame Bergmanien, et se termine en comédie dramatique de… Joachim Trier. Une belle réussite, la légèreté étant aussi nécessaire au Festival de Cannes comme dans la vie.
Ce film fait écho à un autre présenté dans la nouvelle sélection officielle, Cannes Première, MOTHERING SUNDAY d’Eva Husson qui se « paie » un casting de rêve avec Colin Firth, Olivia Colman entre autres. Elle n’a rien à envier à James Ivory dans cette description d’une aristocratie britannique finissante par manque d’hommes. Nous sommes en 1924 et la 1ère Guerre mondiale n’a épargné personne ni aucun milieu… Le film est beau, l’image magnifique, les dialogues ciselés, les non-dits omniprésents, le montage remarquable, bref un grand film classique porté par l’amour dans une comédie dramatique à trois…
Avec LA FRACTURE, nous changeons d’univers pour revenir à nos jours. Catherine Corsini, une habituée de Cannes, mélange deux mondes dans son film, celui des blouses blanches débordées par manque de moyens, et celui des gilets jaunes, vivement réprimés par une police à qui l’État a donné carte blanche dans les violences. Tout se passe sur une nuit d’enfer où la tension est palpable, l’urgence à tous les instants, et les sentiments exacerbés. Valeria Bruni Tedeschi et Marina Foïs apportent un peu d’amour certes finissant dans ce monde qui a fait de la crise, une réalité physique.
Enfin, à la Semaine de la Critique qui présente une bien plus belle sélection que la Quinzaine des Réalisateurs, OLGA a été un coup de poing pour beaucoup de Festivaliers. Cette jeune gymnaste suisse tiraillée par son sport et les JO alors que son pays d’origine, l’Ukraine, s’enfonce dans la guerre civile vit un vrai dilemme d’autant que sa mère, restée au pays, est une journaliste engagée qui risque sa vie à chacun de ses écrits et de ses actes. Le Festival se politise comme cela a toujours été le cas puisqu’il n’est que le reflet du monde dans lequel on vit.
Pascal Gaymard & Veronique Rosa
Photos : Dominique Maurel