DROIT – Violences conjugales : vers la création d’une juridiction

Avec 122 femmes tuées sous les coups de leur conjoint ou ex conjoint, le nombre de féminicides en France a augmenté de 20% en 2021, par rapport à l’année précédente.

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Selon une étude basée entre autres sur les données de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), plus d’une femme sur quatre dans le monde a déjà été victime de violences conjugales. Explications.

Du principe d’obligation jusqu’à la répression

Au Moyen Âge, la « correction » des femmes par leurs maris est non seulement un droit, mais un devoir. Il faut attendre le siècle des Lumières pour que ce principe tombe en désuétude, et la fin du XIXe siècle pour que la tolérance sociale envers les brutalités, peu à peu, recule. « Ce changement de regard est le fruit d’une lente évolution des mentalités », analyse l’historienne Élisabeth Lusset, chargée de recherche au CNRS. Les «coutumiers », rédacteurs du XIIIe siècle, autorisaient ainsi le maître de maison à frapper, voire à blesser sa femme – à condition de ne pas « trop l’endommager » (André Maillard, 1908). Parce que le sacrement du mariage est indissoluble et le divorce interdit, les femmes avaient pour seul recours de demander aux juges la séparation de corps, procédure qui aboutissait rarement. Le seuil de tolérance des violences conjugales reste très élevé, le « devoir de correction » est profondément ancré dans les mentalités. À partir du XIXe siècle, les châtiments deviennent « raisonnables » et « mesurés », les « abus » de la correction, tels que les privations alimentaires, la séquestration dans une cave, ainsi que les insultes, sont sanctionnés. Toutefois, cette omnipotence maritale est d’autant moins contestée que la justice pénale ne peut s’immiscer dans le sanctuaire familial, les époux forment en effet une seule et même personne.

Vers une justiciabilité des violences du couple

La fin du XIXe siècle signe le recul de la tolérance sociale envers les violences. Parce que les brutalités familiales, notamment envers les enfants, sont de plus en plus critiquées, parce que l’État s’autorise de plus en plus souvent à intervenir dans la sphère de la vie privée, mais aussi parce que la première vague du féminisme naquit à la fin des années 1860, jusqu’à la dernière vague féministe en 2017 avec le mouvement #metoo. Enfin, en 2022, le 1er décembre, l’Assemblée Nationale adopte in extremis, une proposition de loi pour lutter contre les violences conjugales prévoyant la création d’une « juridiction spécialisée aux violences intrafamiliales ». Sur le modèle espagnol, cette juridiction associerait les pouvoirs du juge civil et du juge pénal, en s’appuyant sur des référents au sein de chaque parquet. La proposition de loi prévoit un tribunal des violences intrafamiliales dans le ressort de chaque cour d’appel, juridiction plus rapide et mieux formée. Apostolat d’une culture à dominance patriarcale, conflit de couple et violence conjugale s’accroissent avec le degré de dépendance religieuse : les religions, surtout monothéistes, ont longtemps institué l’infériorité des femmes en adoptant des règles interprétatives en défaveur des femmes et garantissant ainsi la puissance et la domination à l’homme. Et pourtant, bien avant le culte religieux, au sein d’une civilisation avancée, citons la Grèce Antique, où les femmes de Sparte, matriarcales, responsables et sportives, pouvaient demander le divorce librement, sans pour autant risquer de perdre leurs biens personnels et en tant que citoyennes, au même titre que les hommes, elles pouvaient choisir de se remarier ou non… à l’ère de l’Antiquité et du Paganisme.

Véronique La Rosa

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