SANTÉ : Vers une privatisation massive de la santé par Macron ?

Tous les soirs à 20H, les Français font du bruit pour soutenir le personnel de santé des hôpitaux publics qui se battent tous les jours contre le coronavirus et le président de la République, Emmanuel Macron, ne perd jamais une occasion depuis la mi-mars de leur rendre hommage et de promettre des primes et investissements.

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Tous ses beaux discours sont mis à mal par une note de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) qui préconise exactement le contraire, document sur lequel le ministère de la Santé plancherait actuellement… Exit l’État-providence et le plan d’investissement pour le système de santé publique. Selon Médiapart qui a révélé cette note, le projet suggéré par la CDC serait de préconiser « une logique de privatisation de la santé sur fond de conflits d’intérêts ».

Toujours plus pour le privé au détriment des hôpitaux publics…
Dans son allocution du 12 mars, Emmanuel Macron estimait que l’État-providence et notre système de santé n’étaient pas « des coûts ou des charges, mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe ». Le 25 mars à Mulhouse, c’est un « plan massif d’investissement » pour l’hôpital public qu’il annonçait… La note de la CDC propose toujours plus d’argent public vers le secteur privé sans qu’aucun argument fonde une telle proposition. Si cet axe est choisi par le gouvernement et exécutif élyséen, alors nous n’aurions tiré aucun enseignement de la crise actuelle. C’est cette volonté de demander toujours plus d’économies aux hôpitaux publics qui a été mise à jour avec le coronavirus. Ce démantèlement programmé met à mal nos possibilités de faire face à une crise qui en appellera d’autres. La fameuse note de la CDC pointe les Partenariats Public-Privé (PPP) mis en place depuis 2006 « En faveur de l’hôpital » pour effectuer de grands investissements comme la construction d’un hôpital contre un loyer sur plusieurs années et laissant au privé la gestion de toutes les activités non médicales très lucratives… En 2014, la Cour des comptes titrait : « Les partenariats public-privé du plan Hôpital 2007 : une procédure mal maîtrisée ». Que dénonce ce rapport ? « Des millions d’euros de loyers – d’argent public – perdus pour des établissements mal construits, inutilisables et vides, laissant de nombreuses personnes sans structure de soin en mesure de les accueillir ». Ces contrats PPP sont en partie responsables de l’état catastrophique de nos hôpitaux.

Les conflits d’intérêts de la CDC
Selon Médiapart, « toute la note tend à faire se confondre investissement public et privé ». Et de poursuivre selon Pierre-André Juven, sociologue interrogé par Médiapart : « Ce document est le révélateur très net des orientations actuelles en matière de réformes de la santé : nécessité de faire plus de place au privé ; croyance forte dans l’innovation numérique comme solution au double enjeu de la qualité des soins et de la contrainte financière ; responsabilisation et individualisation face au risque. Les quatre points généraux du document ne sont qu’un coup de tampon aux stratégies édictées depuis plusieurs années. Loin de remettre en cause les orientations délétères des réformes conduites depuis plus de vingt ans, ils conduisent à accélérer la casse de l’hôpital public. Ce document n’est pas seulement la marque d’une volonté d’étendre l’emprise du privé au sein de l’hôpital public, il traduit la conception technophile, néolibérale et paternaliste qu’une grande partie des acteurs administratifs et des responsables politiques ont de la santé ». Si l’on se fie à cette analyse, derrière cette note, il y aurait de nombreux conflits d’intérêts. Le premier concerne les bateaux de croisière qui seraient transformés en navires-hôpitaux. La proposition très détaillée s’avère particulièrement coûteuse et ne serait pas la meilleure solution. Médiapart précise un élément d’importance : « La raison en est peut-être ailleurs : la Société de financement local (Sfil), qui sert de bras financier à la banque des territoires, garantit un grand nombre de crédits exports. Elle s’est beaucoup engagée dans le secteur des croisières ». Mais il y a autre chose impliquant la CDC elle-même : « N’y a-t-il pas un évident conflit d’intérêts à demander un rapport à la CDC sur l’hospitalisation ? La CDC, via une de ses filiales Icade santé, est un acteur majeur de l’hospitalisation privée lucrative », s’interroge ainsi Jean-Paul Domin, professeur de sciences économiques à l’université de Reims. Et Médiapart de commenter : « Les intérêts du gouvernement se trouvent ainsi bien étroitement liés à ceux de groupes privés, qui investissent dans tous les établissements privés de santé, au détriment du service public ». Si l’on suit cette logique, il n’y aurait pas de plan d’investissements massifs pour l’hôpital privé, voire de nationalisations d’établissements privés, qui selon Médiapart, « pourraient permettre de désengorger les hôpitaux surchargés et surendettés ». Les privatisations seraient poursuivies, ce qui pourrait mettre le feu dans les hôpitaux publics où les personnels sont à cran. Le déconfinement pourrait être une période de grave crise sociale si les bonnes décisions n’étaient pas prises.

Pascal Gaymard