CINÉMA – Régis Wargnier fait sa RÉPARATION…

Cela faisait 10 ans que Régis Wargnier, le metteur en scène oscarisé pour INDOCHINE, César de la Meilleure Actrice pour Catherine Deneuve, celui qui a à son actif, le sublime UNE FEMME FRANCAISE, l’un des plus beaux rôles d’Emmanuelle Béart, est revenu à la caméra avec LA REPARATION.

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Wargnier Régis

Il était au Pathé Masséna pour présenter en avant-première son film qui sortira dans les salles obscures, le mercredi 16 avril prochain. En 1995, nous l’avions rencontré à l’occasion de la sortie d’UNE FEMME FRANCAISE, il s’en est souvenu… Régis Wargnier a répondu aux questions du Petit Niçois sans occulter aucun aspect de sa carrière et de son présent. Un bon moment avec un grand cinéaste de 74 ans.

Le Petit Niçois : Pourquoi ce retour plus de 10 ans après LE TEMPS DES AVEUX ?

Régis Wargnier : Je n’avais pas assez d’envie pour réaliser un film… On m’a proposé bien des choses, des adaptations, des scénarios… Mon ami, François Ozon, fonctionne sur le rythme d’un film par an, comme Chabrol. Au bout, il espère qu’il y aura une œuvre et il a raison. C’est son mode de fonctionnement. Pas le mien. Moi, je fais tout, tout seul, l’écriture, les repérages… Je suis entré au Conseil Economique et Social, j’ai présidé des commissions sur le cinéma, la Fondation Culture et Diversité qui a inclut la FEMIS. J’ai écrit deux romans. Je suis toujours dans le cinéma, dans les Festivals… « Le cinéma est dans ma vie, et ma vie est le cinéma ».

LPN : Qu’est-ce qui vous a plu dans LA REPARATION ?

RW : J’ai été confronté à la disparition inexpliquée d’un proche. J’ai observé les réactions des uns et des autres et cela a ravivé mon envie de cinéma. Après, j’ai effectué des repérages proches de ma Bretagne et j’ai trouvé le lieu de l’accident, la forêt et le restaurant tout proche, le Moulin de Rosmadec. Je suis fasciné par l’excellence des chefs qui visent les trois étoiles au guide Michelin qui vient de sortir. Mais cela n’était pas voulu…

LPN : Pourquoi Taïwan ?

RW : Au départ, j’ai fait des repérages en Chine mais tout était compliqué là-bas. J’étais constamment surveillé et les officiels n’arrêtaient pas de me faire des remarques comme quoi il n’y a pas de clandestins en Chine, ni de voleurs… Du coup, je suis parti à Taïwan. Mon producteur, Julien Deris, avait déjà travaillé là-bas. C’est une terre de cinéma avec de grands metteurs en scène comme Ang Lee ou Hou Hsiao Hsien. J’ai pris une équipe sur place pour les scènes en Asie. Il me fallait un grand chef et je suis tombé sur André Chiang qui avait appris son métier en France, chez Jacques et Laurent Pourcel à Montpellier, puis chez Troisgros. J’ai réservé une table chez lui… Nous avons échangé durant 20 mn et il a donné son accord. Son restaurant, RAW, correspondait au décor du restaurant que j’avais imaginé. C’est lui qui a tout dessiné étant un architecte à la base. Il était fermé le lundi et le mardi… Il a fallu s’adapter à ses horaires.

LPN : LA REPARATION ne pouvait pas être à Cannes ?

RW : Je ne voulais pas. La seule sélection officielle à laquelle le film aurait pu prétendre, c’était Cannes Première. Il fallait attendre jusqu’au 10 avril… Si nous n’avions pas été retenu, une sortie en avril aurait été compromise d’où septembre où il y a embouteillage de sorties de films. J’aime le mois d’avril, c’est la période de Pâques et c’est le mois de mon anniversaire. Même pour INDOCHINE, j’avais refusé la Compétition Officielle au Festival. Catherine Deneuve m’en avait voulu car elle espérait avoir un prix d’interprétation féminine. Elle a reçu un César à la place. Elle est venue à la première vision du film, elle l’a beaucoup aimé. Julia de Nunes et Julien De Saint-Jean étaient très impressionnés.

LPN : Et la Mostra de Venise en septembre ?

RW : Non ! Pour INDOCHINE, je pensais qu’un mélodrame de 2h40, cela ne correspondait pas aux films du Festival de Cannes. J’ai eu raison au final car au final, BASIC INSTINCT a tout raflé. Le film est sorti en avril et il a fait un carton.

LPN : Comment le casting s’est-il monté ?

RW : Clovis Cornillac, je l’avais raté plusieurs fois. Il a reçu le scénario et il a dit oui en 48h. Pour sa fille dans le film, j’avais remarqué Julia de Nunes quand elle avait joué Bardot pour la TV. Il fallait une sacrée dose d’inconscience et d’audace pour se lancer dans un tel défi. BB est un mythe ! J’ai trouvé qu’elle était très gonflée. Nous nous sommes vus, elle m’a raconté sa vie qui correspondait à celle du scénario, elle avait perdu son père… Après, je les ai mis tous les deux en cuisine au Moulin de Rosmadec, la connexion a été immédiate. Une vraie filiation père/fille s’est créée.

LPN : Vous accordez beaucoup de soin à la musique dans vos films. Qui vous a accompagné pour LA REPARATION ?

RW : C’est Romano Musumarra qui a fait la musique originale. C’est un ami, il a été de tous les instants du film. Nous avons travaillé ensemble. C’est un travail au long cours… La musique de Romano enveloppe le film, elle ne l’écrase pas , ne l’envahit pas…

LPN : Vous avez faille vous noyer…

RW : Oui, sur le site où Clara (Julia de Nunes) lâche prise. J’ai voulu vérifier la profondeur du fond, il y avait du courant et j’ai été emporté sur 300m. J’ai pu attraper une branche juste avant les rapides, un vrai scénario à la Indiana Jones ! Après, les Taïwanais m’ont mis sous surveillance avec deux policiers qui m’empêchaient de m’approcher de l’eau durant toute la durée de la scène…

LPN : Que pensez-vous de Julia de Nunes ?

RW : Elle est incroyable ! Au début du film, c’est une ado, fantasque, libre qui vit sa vie à pleine dents avec cette scène costumée où elle couche avec son amant… Un hommage à MERVEILLEUSE ANGELIQUE, comme un conte… à la PEAU D’ANE… Quand elle arrive à Taipeh, c’est une femme, sa coiffure et ses cheveux ont changé…

LPN : Comment travaillez-vous en amont ?

RW : Pas de lectures collectives, je vois les comédiens un par un. Ce que l’on se dit en tête à tête, c’est notre secret, ça nous relie et ça nous fait gagner un temps considérable sur le tournage. Un autre moment de partage important, ce sont les essais maquillage, coiffure, costumes… Dans ces lectures, je leur donne les intentions de la scène, les émotions, les sous-entendus. Après, sur le plateau, on ajuste tout en nuances de rythmes… Mais le travail est fait à 90% en amont.

LPN : Quels liens avez-vous avec la Côte d’Azur ?

RW : Mes varies premières rencontres ont eu lieu à St Rémy. Puis, avec des amis de Lyon, nous sommes partis vers le Sud via Castellane. Arrivés le soir, on a planté notre tente sur un terrain de nuit. Au petit jour, nous étions sur un plateau, face à la Méditerranée, c’était magique ! Après, je suis venu souvent à St Tropez mais en juin… Puis, bien sûr à Cannes qui m’invite souvent même si je ne leur donne pas mes films… Mes films sont des voyages, j’adorerai refaire le tour de la Côte d’Azur.

LPN : Vos projets ?

RW : Je vais refaire un film sans attendre 10 ans… J’ai quelques idées, quelques pages… on verra.

Propos recueillis par Pascal Gaymard

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