par Pascal Gaymard – Photos Dominique Maurel
Vendredi 17 Mai : Yorgos Lanthimos en forme !
A Cannes, chaque jour du Festival réserve son lot de surprises, et de déceptions… Hier, c’était un jour avec. Aujourd’hui, forcément un peu plus faible… même si le soleil a refait son apparition sur la Croisette. Tout d’abord, le réalisateur roumain, Emanuel Parvu, connu comme acteur et dramaturge, signe avec TROIS KILOMETRES JUSQU’A LA FIN DU MONDE, une réflexion sur la tolérance envers l’homosexualité dans une communauté conservatrice. Son personnage principal, après une violente agression, va entraîner le questionnement de tous les membres de ce milieu fermé allant jusqu’à une tentative d’exorcisme… Longtemps complice de Cristian Mongiu, Emanuel Parvu n’évite pas quelques longueurs et répétitions dans un film qui s’étire et dont on avait compris les arguments dès les premières images.
Avec OH CANADA, Paul Schrader, scénariste mythique de Taxi Driver, et réalisateur émérite de films Mishima, primé à Cannes, Patty Hearst, Hardcore, The Card Counter ou Master Gardener, a décidé d’adapter un roman de Russell Banks après avoir réalisé une autre adaptation du même auteur, Affliction, en 1997. Il nous relate la vie d’un documentariste, Leonard Fife, exilé au Canada pour fuir la conscription de son pays et ne pas partir au Vietnam. Précurseur dans les années 60 du wokisme, son personnage campé jeune par Jacob Elordi (le Presley de Sofia Coppola) et vieux par Richard Gere n’a pas convaincu les festivaliers, un gros blanc ayant suivi les quelques rares applaudissements…
Il y avait un autre revenant ce vendredi (après Richard Gere) en la personne du neveu du maître, Francis Ford Coppola, Nicolas Cage. Manifestement, il est usé et n’a plus l’âge de jouer les redresseurs de torts comme dans The Rock ou Volte/Face mais il lui reste une sacrée droite pour donner une leçon à des surfeurs tribalistes qui refusent de partager le spot de leur plage avec des intrus n’habitant pas la baie. THE SURFER de l’irlandais, Lorcan Finnegan, n’est donc pas seulement un film d’action mais une dénonciation de pratiques sectaires basées sur la souffrance pour mieux se viriliser… L’inoubliable Sailor (de Lulla) palmé d’or en 1990, a encore de beaux restes, lui qui avait testé toutes sortes de drogues dans Leaving Las Vegas (Golden Globes 1996).
Mais cette journée n’était pas terminée. Il fallait voir tout de même le très attendu KIND OF KINDNESS de Yorgos Lanthimos. Le réalisateur grec est certainement (avec Ruben Ostlund), l’un des plus grands et intéressants provocateurs du cinéma mondial. Après Canine à Un Certain Regard en 2009, il a obtenu le prix du Jury en 2015 pour The Lobster qui aurait mérité bien plus. C’est Venise qui le consacrera avec un Grand Prix du Jury en 2018 pour La Favorite, puis un Lion d’Or pour Pauvres Créatures, deux films qui ont pour point commun, Emma Stone qui est devenue sa muse. Normal donc de la retrouver parmi l’une des 5 comédien(nes) de KIND OF KINDNESS aux côtés de Jesse Plemons(Killers of the Flower Moon), Willem Dafoe (un autre habitué de Lanthimos), et Margaret Qualley qui est en train de se tailler une jolie carrière digne de celle de sa mère, Andie MacDowell. Basé sur trois histoires, le film retrace trois états : la mort, la résurrection et l’éternité. Les comédiens campent à chaque fois des personnages qui sont sensés les faire grandir d’une incarnation à l’autre. Alors Emma Stone, meilleure actrice ? Ce ne serait nullement une hérésie…