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Le musée Picasso : Rencontre entre la culture et le patrimoine

Véritable témoin de l’histoire d’Antibes, le Château Grimaldi est devenu au XXe siècle le réceptacle du génie de Pablo Picasso et avec lui, de nombreux artistes contemporains de renommées internationales. Une évolution originale que l’on doit à un homme : Romuald Dor de la Souchère.

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De prime abord, cela peut surprendre, c’est certain. Comment ce vieux château à quelques mètres de la Méditerranée peut-il être un temple de l’art moderne et contemporain. Plus que paradoxal, le contraste en est presque antinomique. La démarche est curieuse et pourtant, Place Mariejol, se dresse bien le fameux Musée Picasso d’Antibes. Un musée qui a pris ses quartiers dans l’ancien Château Grimaldi. Deux questions se posent alors au visiteur profane : Comment et pourquoi ?

Dor de La Souchère, un passionné
A ces deux questions, une seule réponse. Un nom pour être plus précis : Romuald Dor de la Souchère. Ce professeur au lycée Carnot de Cannes, passionné d’archéologie, entreprend des recherches sur le passé gréco-romain de la Ville D’Antibes. Son regard se pose naturellement sur le Château Grimaldi. Car en effet, sous ses allures médiévales, se cache un patrimoine beaucoup plus ancien. Les bases du château datent du Ier siècle après J-C et certaines parties de la façade et des soubassements de l’édifice romain sont aujourd’hui encore visibles. Occupé par les évêques de Grasse jusqu’en 1385, il passe ensuite entre les mains d’une famille d’origine génoise, les Grimaldi. D’importantes transformations auront lieu au XVe puis au XVIIIe siècle donnant à l’édifice l’apparence que nous lui connaissons aujourd’hui. C’est en 1608 que le château revient dans le giron de la Couronne de France par la volonté d’Henri IV pour ensuite ne plus jamais le quitter. Demeure des gouverneurs, Hôtel de Ville, puis caserne militaire jusqu’en 1923. Mis en vente, Romuald Dor de la Souchère arrive à convaincre la municipalité antiboise à racheter le lieu. Avec le groupe ligurien d’études historiques et archéologiques qu’il a fondé, il lance une grande souscription destinée à recueillir le complément de fonds nécessaire à l’achat du bâtiment par la Ville. Une fois obtenue, il est nommé conservateur du nouveau musée antibois destiné à mettre en avant l’histoire de la cité azuréenne.

Une rencontre exceptionnelle
Si dès sa création, une partie du musée est dédiée à l’exposition d’œuvres d’artistes contemporains, c’est en 1946 que le destin du château prend un tournant décisif. La rencontre entre Romuald Dor de la Souchère et Pablo Picasso se fait à l’occasion d’un passage de l’artiste sur la Côte d’Azur. « Depuis les années Vingt, Picasso faisait des séjours à Antibes et au Cap d’Antibes assez régulièrement. Il vit dans une petite maison à Golfe-Juan avec Françoise Gilot » explique Laure Lanteri, responsable du service des publics du Musée Picasso « Il rencontre au cours de cet été Romuald Dor de la Souchère avec qu’il échange beaucoup. Au cours de l’une de ces conversations Pablo Picasso lui explique qu’il manque de place dans son atelier et surtout il n’a pas de murs pour peindre ». Une réflexion qui n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd puisque le conservateur l’installe le peintre dans une grande salle du château en lui donnant tout ce dont il avait besoin pour exprimer son talent. Il entre au musée le 17 septembre 1946 et retourne chez lui à Paris le 10 novembre. Si son séjour est court, sa production à Antibes est intense. « Pendant deux mois il va travailler d’arrache pied. Très vite, il va se rendre compte que les murs sont assez humides, et il voit des problèmes de conservations. On pense que c’est ce qui lui fait abandonner le projet initial. Il décide donc d’utiliser des matériaux industriels» continue Laure Lanteri. Il laisse en dépôt un grand nombre de ses œuvres au musée. Le 22 septembre 1947 est officiellement inaugurée la salle Picasso, au premier étage accompagnée d’un premier accrochage de ses œuvres antiboises. Avec le temps, le musée acquière de nouvelles œuvres du maitres, dont les fameuses céramiques réalisées à l’atelier Madoura de Vallauris. Parfois par la volonté de Pablo Picasso lui même « il donne des dessins, des céramiques, des sculptures. C’est un projet qui lui tient à cœur. Ce musée c’est un moyen de rendre accessible au plus grand nombre son œuvre ». Très rapidement, le nombre de salles qui lui sont consacrées augmente. Le 27 décembre 1966, le conseil municipal d’Antibes décide de rebaptiser le Château Grimaldi Musée Picasso. Il s’agir du premier musée consacré à l’artiste espagnol.

Temple de l’art moderne et contemporain.
Dès sa prise en main par Romuald de la Souchère, il est acté que l’art moderne etcontemporain aurait une place importante au sein du musée, au point, avec le temps d’en devenir sa ligne conductrice. Le château voit, au fil des expositions des artistes et des donations, sa collection s’enrichir. Des œuvres de Nicolas de Staël, Fernand Leger, Arman, Klein, César…etc. font aujourd’hui la réputation du musée. « L’arrivée de Picasso au musée Grimaldi a totalement transformé son orientation. Au moment de son passage à Antibes le musée comportait encore des œuvres archéologiques. C’était assez intéressant cette cohabitation et ct échange. Car Picasso a été fortement inspiré par l’antiquité » conclue Laure Lanteri. Au final le musée à du se réaménager. Si le premier étage est dévolu aux expositions temporaires et aux collections du musée d’art contemporain (aussi appelées Chemins de traverse), le second, lui, est entièrement dédié au maître éponyme des lieux : Pablo Picasso. Quant au rez-de-chaussée, il est consacré à la donation de  la Fondation Hans Hartung et Anna-Eva Bergman. Sans oublier la terrasse des sculptures. Classé monument historique en 1928, le Château Grimaldi est un parfait exemple de reconvention du patrimoine local. Une citadelle, vestige des âges passés de la ville d’Antibes qui a retrouvé un second souffle en devenant un haut lieu de la culture azuréenne et française, reconnu de tous. Tout cela grâce à la vision d’un érudit fasciné d’histoire et d’art. De ce point de vue, le Musée Picasso peut-être considéré comme la réunion en un seul lieu de ces deux passions.

Andy Calascione