Par Pascal Gaymard et Marie Bourdel – Photos Dominique Maurel
Incroyable mais vrai, il fait enfin beau à Cannes ! Le Festival du coup reprend des couleurs. Depuis ce weekend, la qualité des films était en hausse.
En ce lundi, Aki Kaurismaki, était très attendu. D’autant que son cinéma tout en décalage et emprunt d’un humour au second degré pouvait légitimement séduire un Ruben Ostlund qui adore le politiquement incorrect. Déjà lors de la montée des Marches en après-midi, le metteur en scène Finlandais a fait le show se moquant allégrement des conventions imposées face aux photographes du tapis rouge… Visiblement agacé par les consignes, il a multiplié les clowneries pour le plus grand plaisir du public massé dans le Grand Auditorium Lumière et qui lui a réservé une ovation. En haut des Marches, il n’a pas hésité se cacher derrière le délégué général, Thierry Frémaux. Et quand l’on connaît la corpulence des deux compères, cela avait de quoi déclenché l’hilarité du Palais…
LES FEUILLES MORTES est un résumé de son œuvre avec toujours cet ennui terrible qui accable ses protagonistes, seuls et ordinaires. Ce qui sauve de la neurasthénie ses personnages, c’est leur humour pince sans rire complétement décalé. Et il a conquis les spectateurs, heureux d’avoir vu un film qui ne se prend pas au sérieux, contrairement au stress imposé aux festivaliers à tous les « étages » du Festival. Nul doute que pour son 6e film en Compétition à Cannes, Aki Kaurismaki montera encore la scène lors du palmarès de samedi prochain.
L’autre film concourant pour la Palme d’Or nous vient d’Autriche. Il s’agit de CLUB ZERO, réalisé par Jessica Hausner et produit par le sulfureux Ulrich Siedl. Il revient sur les grandes angoisses existentielles actuelles sur l’environnement, le développement durable, la nécessité de consommer mieux et moins. Du coup, le jeûne devient une solution jusqu’au boutiste, un passage obligé pour entrer dans le Club Zéro imaginé par une enseignante en nutrition illuminée, campée par l’actrice Australienne, Mia Wasikowska.
Sorte de secte d’un nouveau temps, culte de la pureté, de la minceur, de la forme, CLUB ZERO est un joli pied de nez à toutes les injonctions de notre époque. La scène de vomi régurgité et remangé par l’une des enfants écolos restera dans les annales du Festival ! La réalisation de Jessica Hausner est soignée, jouant sur les regards, les plans moyens individuels puis d’ensemble quand le groupe des élèves est réuni par leur prof. Les parents (dont Elsa Zylberstein et Mathieu Demy) sont des caricatures de bobos qui ont érigé leur progéniture en enfant Roi et qui se trouvent bien démunis lorsque le sang de leur sang prend leurs phobies à la lettre. Un beau pied de nez aux intégristes de CUT ! qui ont jugé bon de faire le buzz sur les Marches.
Comme le film suivant Hors Compétition dans lequel le gardien de la « moralité » de la star se retrouve enfermé dans un placard… Lily Rose Depp a fait sensation dans le film issu de la série THE IDOL. Dans une robe à bustier, elle a monté les marches aux bras du réalisateur, Barry Levinson et de la star canadienne, The Weeknd alias Abel Tesfaye qui joue son mentor sexuel et artistique dans le film. Elle a ébloui de sa beauté le Festival qui ne nous a pas habitué à un film aussi sex. Saluons encore en Séance Spéciale, LE THÉORÈME DE MARGUERITE d’Anna Nouvion qui a refait jouer son mari à la ville, Jean-Pierre Darroussin, un mathématicien implacable et pragmatique qui ne s’entoure que des meilleurs. Lorsque Marguerite est prise à défaut lors de sa présentation, son ex-mentor la chasse sans ménagement. Si le Théorème de Szemeredi ou la Conjoncture de Goldbach vous parlent, si les Mathématiques sont votre quotidien, vous pouvez vous préparer à vivre un grand moment de cinéma.
Pour les autres, le film est pédagogique et instructif même si parfois il peut paraître abscons aux non-initiés. Un dernier mot pour LES COLONS, une sorte de Western en Terre de Feu où un ex-officier Boers, et un mercenaire US sont guidés par un Indien afin d’ouvrir une voie vers l’Atlantique.
Après GODLAND l’an passé, Un Certain Regard nous emmène au point le plus au Sud de la planète. Entre massacres d’Indiens, rencontres insolites, et relations de méfiance entre les trois protagonistes, LES COLONS va bien au-delà que la simple expédition, il sonde l’âme humaine dans ce qu’elle a de plus sombre…