Autant vous le dire tout de suite : il n’était pas prévu que je rencontre cette grande figure de la Littérature française. Imaginez : En 1974, Il n’a que 17 ans lorsque son premier roman, Les petits maux d’amour, est publié. Depuis, cette Machine à écrire ! qui revendique l’écriture de ses romans à la main, il a produit plus d’une cinquantaine d’ouvrages avec comme trait commun : Une irrévérence aussi jouissive que revendiquée. Mais revenons à ce vendredi 5 juin… La veille, j’apprends par hasard que Philippe Besson serait à Nice et séjournerai dans l’Hôtel où il a ses habitudes : L’Aston Scala. Le souffle divin de David&Jonathan – NDLR : Qu’est-ce que tu fais pour les vacances, moi je n’ai pas changé d’adresse – m’inspire. Je décroche mon téléphone, appelle la réception, demande à parler à Monsieur Patrick Besson. Soyons francs, c’est Éric Trolliard, Directeur de l’Aston, qui très gentiment, a fait le lien ; la mélodie enivrante de Dav&Jo a ses limites ! Rendez-vous pris pour début d’après-midi, à 13h. Et c’est à 13h pile que Patrick Besson débarque dans le hall de l’Aston. Notre conversation peut commencer ! Et dès ma première question, le ton est donné…
Yves Rosati : Vous qui êtes un grand amoureux des femmes, quelle est la qualité que vous préférez chez un homme ?!
Patrick Besson : Le silence !
YR : Une personne que vous détestez vraiment ?
PB : Alain Finkielkraut
(Tout cela me parait logique, sauf si ledit Alain pouvait s’exprimer en silence… J’enchaîne).
YR : Au fait, la dernière fois que Vous avez pleuré, c’était à quelle occasion ?
PB : En regardant la vente de mes livres.
(Et là, je sens que je suis à deux doigts de pleurer, de rire ! Et il serait dommage que vous, lecteurs, ne puissiez pas apprécier les saillies de Sieur Patrick Du Besson. Aussi, je vous offre, in extenso, les réponses De Patrick Besson à mes questions).
YR : Pour quelles raisons êtes-vous à Nice ?
PB : Pour la Lumière. Comme disait Nietzsche, Nice était le seul endroit où il n’avait pas mal aux yeux quand il écrivait. Moi, je viens ici pour lire et me baigner. Mon usine d’écriture est à Paris et je n’ai pas voulu la délocaliser. J’aime les couleurs de la Ville, en harmonie. J’avais proposé que Nice soit la capitale de la France. C’était sous Sarkozy, un homme qui aimait les réformes et le bronzage. Mais ça n’a pas marché. Du coup, il s’est retiré au Cap Nègre où c’est bien aussi pour le bronzage.
YR : Comment et par qui avez-vous entendu parler de Nice pour la première fois ?
PB : Par ma mère. Elle avait fui la Yougoslavie Communiste, elle a un peu vécu en Italie pour finalement poser ses valises à Nice. J’ai une photo d’elle sur la Promenade des Anglais. À vélo déjà ! C’était une belle étrangère de 24 ans, qui a été très heureuse ici, peut-être plus heureuse qu’elle ne l’ait été à Paris par la suite. J’ai parfois l’impression à Nice de me promener dans son bonheur perdu, c’est un sentiment mélancolique et très doux.
YR : Nice, ça vous évoque quoi ?
PB : Des années d’amour et d’amitié…
(Je note l’hommage discret de ce grand homme de la Littérature française à cette grande dame de la chanson française, au service du rayonnement de notre patrimoine culturel, j’ai nommé : Céline Dion).
PB : Des années d’amour et d’amitié depuis 1991 où j’ai vraiment découvert la Ville. Jacques Gantier, Guy Pesucci, Nicole Rubi, Catherine Couton Mazet et quelques dames dont je préfère ne pas dire le nom mais dont le souvenir ne me quitte pas. À chacun de mes séjours, je fais un saut à la bibliothèque Raoul Mille, un très proche ami. Quel plus bel hommage peut-on rendre à un écrivain que de donner son nom à une bibliothèque ?
YR : À Nice, quels sont vos coins préférés pour flâner, écrire ou observer… la faune locale ?!
PB : En janvier, lire les journaux au bar du Méridien en face d’un Bloody Mary bien tassé. En février, déjeuner avec mes amis cambodgiens. En mars, fouiller dans les étalages de Bouillon de Culture où il y a le meilleur de la littérature mondiale du vingtième siècle. En avril, une bouteille de champagne sur la plage du Lido. En mai, fais ce qu’il te plait dans le parc Albert 1er. En juin, fêter mon anniversaire à la Petite Maison. En juillet, rester dans la chambre 625 de l’Hôtel Aston avec la clim à fond. En août, même chose. Arrivent les meilleurs mois : septembre, octobre et surtout novembre à Nice. Le paradis terrestre sans avoir besoin d’être mort. Décembre, on est encore à Nice parce qu’on n’a pas réussi à partir de novembre à Nice.
YR : Plutôt Pastis ou Vodka ?!
PB : il y a un âge où il fait arrêter le sport, la politique, le sexe et… la vodka ! Alors que l’on peut boire du pastis toute sa vie. Du coup, on se remet au sexe !
YR : Merci pour cette transition, qui va introduire la question suivante : L’amour des femmes, le sexe est omniprésent dans vos écrits. Est-ce que, au début de votre vie amoureuse, vous n’avez pas confondu le sentiment amoureux avec une érection vigoureuse ?!
PB : L’amour sans le sexe, c’est l’avenir
YR : Vos héros croisent souvent le chemin de prostituées. Pourquoi les « putes » semblent-elles être des filles qui vous mettent en joie ?!
PB : On ne dit pas les « putes », on dit les reines.
YR : Décidément, vous êtes un facilitateur à transition ! Après les Reines, parlons du Roi ! Qui avant d’être Roi, a dessiné sur des pages blanches les maux de son âme ? Votre premier roman, Les petits maux d’amour, commence par Ensuite, je me rappelle mal… Est-ce pour ça que vous avez commencé à écrire des histoires romancées ? Pour mieux vous rappeler ?
PB : Il y a deux sortes de romans autobiographiques : ceux où l’auteur raconte sa vie et ceux où il raconte ce qu’il aimerait que soit sa vie. L’ado que j’étais avait tendance à embellir ses amours incomplètes et ses amitiés moyennes.
YR : Est-ce que Je me rappelle mal sous-entendrait : je préfère les petits oublis indolores aux souvenirs douloureux que finalement, il vaut mieux oublier pour n’avoir jamais à se souvenir ?
PB : On sait que les écrivains font leur beurre avec le lait de leur chagrin. On se demande du coup s’ils ne sont pas toujours à la recherche de ce qui va les choquer, les blesser, les angoisser, mais qui nourrira leurs œuvres. À part la chute du mur de Berlin et le démantèlement de l’URSS, rien ne m’a fait de peine. C’est pour cela que mes livres n’ont aucun intérêt ! Ouais bon d’accord, je rigole : j’ai eu beaucoup de chagrin à la mort de mon chat et mes livres sont excellents.
YR : En quoi l’écriture serait-elle moins pudique que la parole ?
PB : Moi étranger (maman croate, papa russo-belge), moi pas comprendre la question !
YR : En faisant des petites recherches sur vous, j’ai découvert que vous étiez également un grand mélomane. En effet, vous êtes très sensible aux bruits que font certains sons. Et là, je m’en remets à votre expertise. D’après vous, y a-t-il un bruit plus doux que du Chablis versé dans un verre, peut-être le floc-floc du pénis dans le vagin, quand on finit de faire jouir une femme ?! (Extrait de L’orgie échevelée, Éditions Fayard)
PB : J’ai écrit ça Moi ? Vous êtes sûr ? Ce n’est pas Luc ou Éric ??!
YR : À ce propos, combien de fois par jour vous confond-on avec Philippe Besson ?!
PB : Qui c’est ?
Propos recueillis par Yves Rosati
rosatiyves@yahoo.fr