Lors du dernier Festival de cannes, le film avait obtenu le Prix du Meilleur Scénario. Céline Sciamma s’est livré pour Le Petit Niçois.
Le Petit Niçois : Pourquoi cette présence à Nice lors du Festival « In & Out » ?
Céline Sciamma : Je suis fidèle. Ils m’avaient invité pour Tomboy et c’était normale pour moi d’être à nouveau là pour Portrait d’une jeune fille en Feu. C’est ma 2ème projection après Cannes, puisqu’on a présenté le film à Nantes. Je suis en rodage et en découverte des réactions du public. Quand on fait un film sur une histoire d’amour, on espère en recevoir en retour.
LPN : Comment vous es venue l’idée du scénario ?
C.S. : J’avais envie d’un film d’amour et de création, un dialogue créatif et amoureux, des artistes au travail. La peinture, c’est différentes couches… Cela questionne sur le temps, l’histoire de l’Art dans cette période particulière de la 2ème moitié du 19e siècle où il y a eu beaucoup de femmes peintres que l’histoire a préféré oublier, effacer, rayer…
LPN : Vouliez-vous faire un film politique ?
C.S.: Tous les films le sont et les miens plus encore. Un cinéaste a le devoir de réorganiser le monde. Je voulais raconter une rééducation du regard, que ces femmes soient vraisemblables, réelles, authentiques. Je n’ai pas pris de liberté avec la vérité historique. J’ai beaucoup travaillé à l’écriture avec une sociologue de l’Art, Séverine Sofio, qui a écrit un livre sur ces femmes peintres de cette époque.
LPN : Comment s’est déroulé le casting ?
C.S. : J’avais écrit pour Adèle Haenel mais pour le rôle principal de la peintre, j’avais envie d’une rencontre avec quelqu’un que je ne connaissais et que l’on ne pouvait pas trop identifier encore. Je tenais à ce que les deux jeunes femmes soient sur un pied d’égalité parfaite, même taille, même âge, même beauté. Noémie Merlant a passé un casting mais lorsque je l’ai vu dans le cadre de la caméra aux côtés d’Adèle Haenel, c’était une évidence, c’était elle mon héroïne. Les deux visages étaient magiques. Valeria Golino était présente à l’écriture.
LPN : Comment avez-vous travaillé avec les comédiennes ?
C.S.: Nous n’avons pas fait de lecture hormis une. Pas de répétitions aussi. Dans un film à costumes, il faut définir des silhouettes. J’ai travaillé avec elles directement sur le plateau. Nous avons commencé par les extérieurs et leurs grands épanchements, les scènes les plus difficiles. Pas pour conserver une fraîcheur, mais pour être sur le moment présent, avec beaucoup de plans séquences pour conserver l’émotion.
LPN : Pourquoi la Bretagne ?
C.S.: J’avais envie d’une nature sauvage sans aménagements urbains .La côte sauvage est propice à ces décors. La musicalité du film, ce sont ses sons, celui du vent, du roulis de la mer, de ces paysages, cette nature vivante qui comme mes personnages, ne demandent qu’à exulter. Pour le château, j’ai beaucoup puis j’ai trouvé ce lieu qui appartenait à une municipalité et qui avait conservé ses tentures, son mobilier, ses couleurs d’époque. Nous l’avons juste un peu accessoirisé.
LPN : Que vous reste-t-il du Festival de Cannes ?
C.S. : Une très belle aventure que j’ai vécue à fond. Je crois que c’était le moment pour moi d’y aller avec ce film. Je suis fière de l’avoir présenté devant un tel Jury .C’est puissant de rentrer dans le Grand Auditorium. L’accueil a été formidable, tant par la presse que le public. Du coup, le film va sortir dans le monde entier, cannes décuple les possibilités. Au vu des autres « concurrents », je suis heureuse d’être au Palmarès… même si j’aurai préféré un Prix pour mes deux comédiennes. Un Prix du scénario, comme je l’ai dit, cela me renvoie à ma propre solitude.
LPN : Qu’est-ce qui a été le plus difficile ?
C.S. : Tout le travail sur la peinture, la création des tableaux. J’ai fait un travail colossal de documentation. C’était si difficile que j’ai songé à renoncer… Non, j’avais trop envie de ce film, pas d’un biopic, cela aurait été plus facile, non, d’une vraie proposition d’un chantier en gestation.
LPN : Qu’est-ce qui vous a le plus plu ?
C.S. : Cette fois-ci, c’était le tournage que j’ai adoré. Habituellement, ce que j’aime, c’est la post-production surtout le montage son. Cela participe à la dynamique d’écriture. Ça me passionne.
LPN : Vos projets ?
C.S. : Je n’en ai pas d’autres. J vais accompagner le Portrait d’une jeune fille en Feu. Difficile de penser à autre chose avant de déposer le film dans le monde. Demain, je serai sur les lieux du tournage, puis à La Rochelle, et à St Etienne. La tournée ne fait que commencer.
Propos recueillis par Pascal Gaymard
Festival In & Out jusqu’au dimanche 30 juin.
Renseignements : http://www.lesouvreurs.com/