Bien que poussiéreux et un peu obscur, c’était notre raccourci préféré, creusé sous la route. On l’empruntait d’un pas rapide pour relier le village à l’école Font Bertrane, puis l’école Font Bertrane à la cantine de St Gorges à l’heure du déjeuner. En fait, c’était le souterrain de mon enfance… » s’émeut un agent communal devant l’entrée du « Passage Font Bertrane ». Comme beaucoup de villeneuvois qui partagent cette petite tranche de mémoire fugace, il s’émerveille de voir ce cordon ombilical réactivé, entièrement rénové et tapissé de jolies vitrines, sur la trajectoire des trois musées de la cité : le Musée d’Histoire et d’Art, le Musée Escoffier de l’art culinaire, et la Maïoun deï Granouïe (musée des traditions locales). Ainsi Villeneuve la provençale se révèle encore, à travers ce cheminement de la mémoire en trois temps, qui part de la Place de Verdun jusqu’au chemin du Pas de Bonne Heure : un double sens phonétique qui en dit long sur la joie partagée des habitants, le 15 septembre dernier, lors de l’inauguration de la splendide fresque en trompe l’œil imaginée sur la façade Est de leur ancienne école. Les Journées du Patrimoine ont donné sens à ce ruban coupé qui saluait également un gros chantier de rénovation sur l’ensemble du bâtiment.
Un musée d’Histoire et d’art
Le premier des musées sur cette « carte du tendre » est celui, plutôt rare, de l’histoire militaire de France au 20ème siècle. Constitué dès 1989 des abondantes collections de Christian Vialle – uniformes, armes, tableaux, documentations et autres pièces rares – il s’élève sur trois étages que relie un très bel escalier en colimaçon chapeauté d’une verrière. En 1997, Lionnel Luca, maire de l’époque, le rebaptise Musée d‘Histoire et d’Art pour y accueillir de très belles expositions temporaires et thématiques. Adjoint délégué au lien avec la Nation et avec l’Armée, Christian Vialle a le don d’investiguer au cœur de l’histoire pour nous donner à redécouvrir, sous des thématiques originales, une culture trop souvent oubliée.
A la découverte d’auguste escoffier
Dans le prolongement de la rue des Mesures surgit ensuite le Musée Escoffier de l’art culinaire : rue Escoffier, précisément ! C’est à la fin du XIXe qu’Auguste Escoffier, né à Villeneuve Loubet le 28 octobre 1846, se fait connaître à travers le monde grâce à ses talents culinaires. Inventeur – entre autres – de l’iconique Pêche Melba, il a marqué aussi bien son époque que la gastronomie française telle qu’elle rayonne actuellement, via la vaste confrérie de ses disciples. Inauguré le 2 mai 1966 et récemment labellisé « Maisons des illustres », cet unique Musée d’art culinaire en France, installé dans la maison natale d’Auguste Escoffier, témoigne avec passion de la vie et de l’œuvre du père fondateur de la cuisine française à travers 10 salles d’exposition et une collection exceptionnelle de menus. Chaque année, la commune lui rend hommage à travers les Fêtes Escoffier, le rendez-vous croisé des chefs et des artistes à Villeneuve Loubet.
Le cercle des anciens
Pour clôturer cette belle trilogie, il n’y a plus qu’à emprunter le « Passage Font Bertrane » qui débouche directement sur les grilles vertes de la Maïoun deï Granouïé, du nom de l’association des anciens qui perpétuent depuis plus de 20 ans les traditions villeneuvoises. Leï Granouïé, selon la légende, désignait en provençal le héron prédateur de grenouilles, celles-ci proliférant autrefois dans le Loup. Aménagé dans l’ancienne bibliothèque au village, ce pittoresque musée a été divisé en trois salles : l’une présente la vie agricole au siècle dernier, Villeneuve-Loubet étant une commune où l’agriculture tenait une large place, une autre est une classe d’école reconstituée à l’ancienne avec son alignement de vieux pupitres, dont certains datent d’avant la deuxième guerre mondiale, tandis que la dernière salle nous plonge dans l’ambiance d’une vieille cuisine provençale dotée d’un poêle central et enrichie de documents d’archives… Dans la cour du Musée, l’installation récente d’une Boîte à livres permet aux habitants de se «nourrir » de connaissances en toute liberté. Pour que cette mémoire, bien vivante, continue de perdurer…
Corinne Paolini.
LA PHOTO DU MOIS
Quand Charles Aznavour visita le Musée d’Histoire et d’Art de Villeneuve Loubet Le 27 septembre 1990
« Ce fut un grand moment de bonheur et d’émotion… Bonheur, car ce grand poète a bercé ma jeunesse avec les chansons telles que : La Bohême, la Mamma, Je n’ai rien oublié, Viens voir les Comédiens …. Emotion, car cet homme de cœur, altruiste, le plus Français des Arméniens, nous donnait une leçon permanente d’amour. Être connu, c’est bien, mais être aimé, c’est mieux ! aimait-il à dire… Charles AZNAVOUR ne nous a pas quittés, il restera toujours l’idole de toutes les générations : « en haut de l’affiche »…
Christian Vialle, conservateur du musée