Et chaque année, cette dernière journée est l’occasion d’échanger afin de déterminer qui aura raison, qui sera l’heureux ou l’heureuse élu(e) cinéaste qui verra son destin changé…
Des incompréhensions et de belles surprises…
Pour cette 75e manifestation, nous avions pronostiqué deux films, NOSTALGIA de Mario Martone qui repart bredouille, un vrai scandale, et SANS FILTRE de Ruben Ostlünd. Et ce dernier a remporté sa 2ème Palme d’Or en 4 ans puisque sa dernière remonte à 2017 avec THE SQUARE. Et c’est entièrement mérité tant le réalisateur Suédois sait faire bouger les codes, les lignes, le politiquement correct qu’il atomise à chacun de ses films. Dans SANS FILTRE, après avoir chaviré, les occupants d’un yacht se retrouvent sur une plage désertique où il faut apprendre à survivre et à ce jeu, c’est la responsable des toilettes qui s’érige en commandant, étant la seule capable de subvenir aux besoins du groupe. Quel bonheur qu’il soit primé ! Cet enthousiasme est tout de même tempéré par certains autres prix en commençant par ceux aequo du Grand Prix. Si CLOSE du Belge, Lukas Dhont, avait quelques mérites, le film de Claire Denis, STARS AT NOON n’en avait aucun ! Que fait-il là ? Le Grand Prix du Jury est un film qui aurait pu avoir la Palme d’Or !? Comment STARS AT NOON peut-il prétendre à une telle récompense ? A croire que certains membres du Jury n’ont pas vu le même film que les festivaliers… Le constat est le même pour les aequo du Prix du Jury. Si EO de Jerzy Skolimowski qui a cité tous les noms des ânes ayant participé au film, a séduit par son propos et son approche, LES HUITS MONTAGNES du couple de Belges, Charlotte Vandermeersch et Félix Van Groeningen a paru bien long et répétitif. Mais la réalisatrice a su créer l’engouement en embrassant goulûment son mari réalisateur… donnant des idées à Carole Bouquet qui a appelé Vincent Lindon à la rescousse pour un baiser tout aussi langoureux… Mais la fête est quelque peu gâchée par un Prix du 75e aux Frères Dardenne pour TORI ET LOKITA qui reste un film mineur dans tous les sens du terme. Mais Vincent Lindon aime les Dardenne et lorsque dans son discours, il avouait que le président n’avait pu imposer tous ses choix, évoquant un « inconvénient démocratique » et de « belle majorité » voire qu’il n’avait qu’une voix sur 9…
Des primés techniques sans trop de fausses notes…
Pour les prix plus techniques, comme celui de la Mise en Scène au Sud-Coréen, Park Chan Wook, pour DECISION TO LEAVE, cela n’est pas une injustice criante et inadmissible même si ses précédents longs métrages, MADEMOISELLE ou OLD BOY étaient d’une autre facture et forcément supérieurs. Mais il a su changer de registre et réaliser un nouveau genre de film… Pour le Prix du Scénario à Tarik Saleh, réalisateur de BOY FROM HEAVEN, cette récompense est on ne peut plus mériter tant ce film était l’un des meilleurs vus en Compétition Officielle. Nous l’aurions mis plus haut encore, en Grand Prix du Jury par exemple… Les Prix d’interprétation sont également sujets à de légères tensions. Si Zar Amir Ebrahimi, héroïne de HOLY SPIDER (LES NUITS DE MAASHAD) faisait partie des favorites pour cette récompense, elle qui vit en France ne pouvant plus exercer son art dans l’Iran des mollah, que penser du Prix d’Interprétation Masculine au japonais, Song Kang Ho du film de Hirokazu Kore Eda, BROKER (LES BONNES ETOILES) ? Pourquoi à lui et pas à l’autre acteur principal du film ? Le film en lui-même devait figurer au Palmarès mais alors pour un prix groupés des deux comédiens… ou un Prix du Jury… Pour conclure, comment ne pas revenir sur le discours du président Vincent Lindon ? Il a suggéré à Thierry Frémaux de conserver le même Jury d’une année sur l’autre en commençant par le sien… « Pourquoi un seul mandat de 10 jours ? Nous sollicitons une réélection et c’est une décision pour le coup unanime des membres du Jury. Car analyser des films, c’est avoir le désir avant de le voir, l’émotion pendant la projection et la réflexion après la sortie de la salle ». Et c’est pour cela que le cinéma est un art majeur et qu’il se voit en salles et pas dans son canapé du salon… Viva el cinéma ! comme l’a si bien scandé la maîtresse de cérémonie Virginie Efira efficace et tremblotante… mais qui elle, est restée debout alors que Jasmine Trinca a failli chuter au milieu de la scène ce qui l’a fait beaucoup rire… et nous avec.
Pascal Gaymard