Il en a été de même pour un final qui a été émaillé de multiples incidents dus en grande partie à la maladresse du président du Jury, Spike Lee, jusque-là exemplaire.
Le beau bilan de Doria Tillier…Dans son discours, Doria Tillier n’a oublié personne, pas même sa situation, « 10 jours de Festival où je vous rassure, j’ai dormi tous les soirs toute seule » … Serait-ce un message direct à son compagnon, Nicolas Bedos qui présentait en clôture, le dernier volet des aventures d’OSS 117 ? Le ton était donné. Et de citer quelques-uns des grands événements de ce Festival : « la simplicité rimant avec classe d’une Jodie Foster… Charlotte qui reparle à Jane dans un documentaire… Gaspar Noé qui nous a fait pleurer avec sans doute son film qui a été l’événement du Festival… Oliver Stone et son enquête méticuleuse sur la mort de JFK… Bill Murray chantant Aline… Virginie Efira qui fait parler la passion à l’écran… Léa Seydoux avec la preuve par 4 en Compétition… Spike Lee et sa générosité… L’explosion de films… Les costards roses, les films verts et les gilets jaunes… Le feu d’artifice tiré le jour du 14 Juillet, du jamais vu au Festival au mois de mai… La venue de Catherine Deneuve… Un Festival chaud, beau, nuit… ».
La bourde de Spike Lee…
Après, il était temps de remettre sa Palme d’Or d’honneur à Marco Bellocchio avec un si bel hommage signé Paolo Sorrentino, l’hommage à Piccoli, sa standing ovation, voici le début du Palmarès. Les prix du court métrage et la remise de la Caméra d’Or à MURINA de la réalisatrice serbe, Antoneta Alamat Kusijanovic absente pour cause de maternité, les membres du Jury ont fait leur entrée. À ce moment-là, pouvaient-ils se douter de ce qui allait se passer ? Sans doute non. Car le président, Spike Lee, dans un bel élan, a annoncé le premier prix en commençant par la… Palme d’Or ! Et tout le monde a entendu un mot qui claque avant que Mélanie Laurent et Tahar Rahim n’arrivent au secours d’un Spike Lee en perdition. Il ne se remettra pas de cette bourde durant toute la soirée qui va virer au cauchemar, étant complètement perdu avec son bout de papier à la main… Doria Tillier quittera souvent son pupitre pour remettre un peu d’ordre dans une cérémonie qui a tourné au gag permanent…
Des évidences et des erreurs de casting…
Il fallait bien commencer à remettre les prix et ils se sont enchaînés. D’abord sur les évidences. Les prix d’interprétation pour le jeune Caleb Landry Jones pour sa performance dans NITRAM, celui aussi de Renate Reinsve pour JULIE (en 12 chapitres). Tous deux ont fait preuve d’une très grande émotion qui a fait plaisir à voir. Rien à dire aussi sur le Grand Prix du Jury pour UN HÉROS d’Asghar Fahradi qu’il a dû partager avec le Finlandais, Juho Kuosmanen, COMPARTIMENT N°6 pourtant de bien moindre qualité, voire sur le prix de meilleur réalisateur pour Léos Carax pour ANNETTE. Mais alors, le prix du scénario à DRIVE MY CAR de Ryusuke Hamaguchi pour un film qui s’étire sur près de 3h ?! Le discours du lauréat a été aussi long que son film… Que pensez encore des deux prix ex æquo du Jury pour les deux plus mauvais films en Compétition Officielle pour LE GENOU D’AHED et MEMORIA, ce dernier s’éternisant en plans fixes sur des nuages… ?
La Palme d’Or de l’audace : TITANE !
Heureusement, nous avions bien entendu, c’est bien TITANE de Julia Ducournau qui a eu la Palme d’Or. Un coup de balai mémorable et salutaire à tous les censeurs en herbe qui n’apprécient pas le cinéma de genre. Les mêmes qui ont souligné que 21 personnes s’étaient senties mal durant la projection avec plusieurs malaises… La Palme a été remise par une Sharon Stone aux yeux écarquillés qui a provoqué quelques éclats de rire dans la salle. Après, nous retiendrons le baise-main de Vincent Lindon sur scène à Sharon Stone, l’émotion d’Agathe Rousselle, l’actrice principale et enfin, les mots de Julia Ducournau. « Je sais que mon film n’est pas parfait mais la perfection n’est-elle pas une impasse ? Le mien, on l’a même traité de monstrueux… Je fais du cinéma parce que c’est une force pour faire reculer la normalité. J’ai un besoin avide d’un monde plus inclusif, plus fluide, plus diversifié dans nos vies comme au cinéma ». Et de conclure à l’adresse des membres du Jury : « Merci de faire entrer les monstres ! Mes parents m’ont aidé à être libre ». Et c’est là que le discours de Doria Tillier nous est revenu à l’esprit. « Commencer par la fin pour finir par le début » … Mais c’est bien sûr ! Elle avait anticipé la bourde de Spike Lee… Il était une fois le Palmarès du 74e Festival de Cannes. Alors merci Spike Lee pour cette audace. TITANE, une Palme en Or, bien sûr !
Pascal Gaymard