Dans le cinéma Français, Jacques Audiard tient une place à part depuis Regarde les hommes tomber. Sur les traces de son père, le célèbre dialoguiste, Michel audiard, Jacques n’a de cesse de revisiter le mythe du héros ou plutôt du héros blessé, fêlé, cassé mais qui sait toujours se relever et redevenir un Seigneur. C’est le cas d’Un Héros très discret ou encore, magnifiquement, dans Un Prophète, Dheepan et aujourd’hui Les Frères Sisters. Car au départ, il ne s’agit que de deux tueurs à gage comme le Far-West en a engendré des milliers. Eux sont liés par un terrible secret et un lien indélébile qui va bien au-delà de la simple fratrie. derrière, il y a les blessures de l’auteur qui a dédié son dernier film à son frère aîné disparu… En cela, Les Frères Sisters constitue un tournant personnel mais aussi professionnel dans l’oeuvre de Jacques Audiard. Il a toujours voulu tourner avec des comédiens Américains, pas forcément de faire un film en Amérique. Joaquin Phoenix, John C. Reilly et Jake Gyllenhaal prêtent leur charisme à un western atypique (comme tous les films d’Audiard) qui parle, sent, fait vrai. Ici, on tue à bout portant et on s’assure d’une dernière balle que l’adversaire est bien mort .Ce n’est pas le Far-West mythique de Sergio Leone avec les duels dans les rues désertes, ici, on vit pour sauver sa peau et tous les coups sont permis. Jacques Audiard est un magicien car dans ce monde de brute qui s’apparente au nôtre, il sait même chez les êtres les plus rustres, faire émerger une part d’humanité. Tout n’est jamais sans espoir chez Jacques Audiard, les personnages ont toujours une seconde chance…et nous avec… De la chevauchée sauvage aux conversations les plus sérieuses sur quelle société nous souhaitons, le bien et le mal s’entremêlent et jouent à désarçonner le spectateur qui ne peut que se laisser aller… Ce n’est pas pour rien que Jacques Audiard est fan de Little Big Man… Longtemps après être sorti du cinéma, vous galoperez encore aux côtés des Frères Sisters, sans le savoir, dans votre inconscient, car les films d’Audiard sont des voyages intérieurs qui ne laissent personne indifférent. Il sait nous faire grandir, nous faire aimer ce monde, et nous faire croire que tout n’est pas fini, que l’espérance est une vertu avant d’être le dernier souci de la boîte de Pandore…
Pascal Gaymard