Par Pascal Gaymard et Marie Bourdel – Photos Dominique Maurel
Du social avec Ken Loach et l’Abbé Pierre…
La veille du palmarès, il est fréquent que les « Anciens » disent que ce n’est pas ce jour que la Palme est programmée… Rumeur ou légende ? Nous serions plutôt enclins à le croire. LA CHIMERA d’Alice Rohrwacher est l’un des films les plus faibles vus en Compétition Officielle. Son acteur principal au charisme d’une huître ne parvient à captiver dans sa quête d’un amour perdu, le temps de son passage en prison. Ses amis, sorte de Pieds Nickelés détrousseurs de tombes étrusques, ne peuvent relever le défi qu’un quelconque intérêt pour le film. La bande son lancinante et les personnages hauts en couleur ne suffisent pas à soutenir la comparaison avec ce chef d’œuvre absolu qu’est HUIT ET DEMI auquel on peut penser durant la projection. N’est pas Fellini qui veut et surtout pas Alice Rohrwacher ! Alors que l’AFCAE (Association Française des Cinémas Art & Essai) ait choisi ce film comme Grand Prix, on se perd en conjonctures… L’AFCAE veut-elle vraiment le suicide des salles de cinéma ? Son second Prix attribué aux FEUILLES MORTES d’Aki Kaurismaki est bien plus justifié… L’autre (et dernier) film en Compétition Officielle n’était autre que le dernier Ken Loach, THE OLD OAK, soit le nom d’un pub dans un village perdu du Pays de Galles où les mines ont fermé depuis bien longtemps et où la nostalgie se conjugue avec une misère entêtante. Alors, lorsque qu’un car d’immigrés syriens débarque, inutile de dire que tous les autochtones ne voient pas de la même manière cette arrivée massive de gens encore plus pauvres qu’eux. Il n’y a rien de vraiment changer dans l’univers de l’octogénaire Britannique deux fois palmé d’or en 2006 pour LE VENT SE LEVE, puis en 2016 avec MOI, DANIEL BLAKE. Toujours les bons sentiments, le politiquement correct jusqu’à l’utopie, la nostalgie d’un monde d’avant fait d’entraide et de partage. La subtilité du propos et de la mise en scène sauve le film du naufrage d’autant qu’il pourrait bien être le dernier de son auteur, tout comme pour un autre géant du cinéma, Takeshi Kitano avec KUBI qui n’a toujours pas trouvé de distributeur en France. Selon certains bruits, le montant demandé pour la distribution dans l’Hexagone d’élèverait à 1 millions d’€… Mais pourquoi donc ce film n’était-il pas en Compétition Officielle ?
La projection de 2ème partie de soirée était L’ABBE PIERRE – UNE VIE DE COMBATS de Frédéric Tellier. Après HIVER 54, L’ABBE PIERRE (1989), voici la nouvelle version qui est consacrée à l’ensemble de sa vie. Si l’entreprise est louable, nous aurions aimé pénétrer plus en avant la complexité des doutes et tourments qui ont habité cet homme de cœur et d’église durant toute sa vie. Ses prises de position partout contestables sont à peine esquissées mais surtout son rapport aux femmes et notamment sa relation avec Mademoiselle Lucie Coutaz reste bien superficielle. Dommage car Benjamin Lavernhe et Emmanuelle Bercot sont magnifiques dans leurs rôles respectifs.
Ce jour, c’était le palmarès de la sélection officielle, Un Certain Regard. Et l’impression qu’il s’en dégage est réellement mitigée. Le Maroc en sort grand gagnant avec deux films, l’un, intéressant notamment pour ses interprètes, LES MEUTES, Prix du Jury, l’autre vraiment très faible, LA MERE DE TOUS LES MENSONGES pour un Prix de la mise en scène à Asmae El Moudir… Après, le Jury présidé par John C. Reilly a rivalisé d’intitulés originaux : Prix d’ensemble pour le très beau film sur les Indiens d’Amazonie, LA FLEUR DE BURITI, Prix de la Nouvelle Voix pour AUGURE…, et Prix de la Liberté pour GOODBYE JULIA, d’un réalisateur Soudanais, assez rare pour être souligné. Mais le pire était à venir avec le Grand Prix attribué à HOW TO HAVE SEX de Molly Manning Walker où des adolescentes s’encanaillent pour une semaine au soleil après leur « Bac » où l’objectif est clairement de « baiser ». On en parle beaucoup, on boit énormément, mais au final peu passent à l’acte. On est en Amérique et le sexe est encore un sujet tabou voire sale au pays de la vertu… Cette suite de rencontres et de soirées arrosées avait le don d’exaspérer plus d’un Festivalier, mais pas les membres du Jury dont Alice Winocour, Davy Chou, Emilie Dequenne, et Paula Beer… Ailleurs, la qualité a été respectée. Le Prix FIPRESCI de la Critique internationale est revenu logiquement à THE ZONE OF INTEREST alors que le Jury Œcuménique, lui, a choisi le beau film de Wim Wenders, PERFECT DAYS. Reste plus qu’à connaître les choix du Jury de la Compétition Officielle, présidé par Ruben Ostlund…