Petit rappel. À l’âge de 2 ans, Aung San Suu Kyi perd son père, Aung San, assassiné, lui qui était le plus fervent partisan de l’indépendance nationale de la Birmanie. Elle en gardera un traumatisme éternel et c’est aussi l’exemple de ce père qui la poussera à co-fonder en 1988, la Ligue Nationale pour la Démocratie (LNB), son parti farouchement opposé à la junte militaire au pouvoir. Déjà en 1990, le gouvernement militaire annule les élections législatives qu’elle vient de remporter et la place en résidence surveillée. Son calvaire va durer 20 ans et sera raconté à l’écran dans le sublime film, THE LADY. Aung San Suu Kyi ne sera pas oubliée de la communauté internationale et recevra, en 1991, le Prix Nobel de la Paix, juste après s’être vue décerner le Prix Sakharov en 1990. Libérée en 2010, elle est élue députée aux élections partielles de 2012 puis gagne les élections législatives de 2015. Ne pouvant être présidente à cause d’une disposition constitutionnelle l’en empêchant…Elle est nommée ministre des affaires étrangères, conseillère spéciale de l’État, porte-parole de la Présidence et devient, implicitement, la cheffe du Gouvernement. Toutefois, l’armée demeure toujours puissante et la répression des militaires contre une minorité musulmane, les Rohingya, qui s’étaient soulevés, jette un discrédit sur son action sur la scène internationale. Sur la scène intérieure, elle reste néanmoins extrêmement populaire comme l’a prouvé les dernières élections législatives,
Une victoire éclatante en 2021 et un putsch militaire à la clé…
Au vu des derniers événements, nous pouvons mesurer que sa marge de manœuvre était très restreinte, la purge dans l’armée birmane n’ayant jamais pu être menée à bien par le nouveau gouvernement. Lors des dernières élections législatives de 2021 qui avait renforcé la majorité de la LNB au Parlement birman, les militaires ont vécu ce résultat comme un affront et ont repris le pouvoir par la force. Comble de l’ironie : ils ont légitimé cette action par des fraudes lors du vote alors que la commission électorale chargée de vérifier le bon déroulement du vote récuse toute accusation. La communauté internationale a réagi immédiatement et a depuis demandé la libération de la leader birmane. Depuis cet acte de violence, des centaines de milliers de manifestants se rassemblent dans tout le pays, malgré l’interdiction des autorités qui a instauré un couvre-feu, pour soutenir le pouvoir légitiment élu. En attendant, Aung San Suu Kyi est à nouveau emprisonnée tout comme le président de la République et les principaux ministres et partisans de la démocratie. Un coup d’Etat militaire qui replonge la Birmanie dans ses heures les plus sombres…
Pascal Gaymard