C’est l’oubli que le président du Département des Alpes-Maritimes, Charles Ange Ginésy, a mentionné dans sa préface.
Son animalerie si personnel et phobique
C’est à la Galerie Lympia, ouverte il y a 10 ans par le président d’alors du Département, Eric Ciotti, que Salvador Dali va rayonner jusqu’au 23 novembre 2025, prenant la suite d’un grand Sudiste, Raymond Moretti. Cette inauguration le vendredi 18 juillet 2025 va devenir une date historique. Gageons que Dali va battre tous les records de fréquentation de la Galerie Lympia, « l’un des 5 musées du Département 06 ». Comme l’a expliqué le Commissaire de l’Exposition, Jean-Michel Bouhours, Conservateur au Centre Pompidou, « il a fallu s’adapter aux lieux, une salle toute en enfilade, celle des anciennes cellules des Galériens, et plusieurs salles sur deux étages ». Et la scénographie des lieux est magnifique comme les choix des œuvres par ce Conservateur, spécialiste de Dali. Car pour exposer Dali, il faut l’aimer, seul moyen de le comprendre. C’est par le bestiaire que l’exposition débute. Mais ne vous méprenez pas, Dali n’est pas un peintre « animalier », il ne recycle que ces phobies de son enfance. Pour lui, les fourmis, c’est la mort, elles sortent naturellement d’une main coupée… D’où le Tamanoir empaillé puis dessiné qu’il avait offert à André Breton qu’il considérait comme son père, lui aussi phobique sur les fourmis. Son arrivée à Paris dans le métro avec son Tamanoir en laisse ne peut pas être comprise sans cette information. Les ânes décomposés, c’est aussi une image vue dans son enfance sur le bord d’une route. Ils vont se retrouver dans cet état dans un piano… De ces peurs, il en fait des mythes qui touchent au sublime. Les animaux deviennent fantastiques, chimériques, détournés en double voire multiples facettes, images, symboles comme cet Ocelot qui tenait en laisse et qu’il a dessiné sous forme de papillon…
96 œuvres bien choisies et mises en scène
Chez Dali, la transgression est permanente, rêvée, innée… Il est un surréaliste né… C’est une éponge qui s’inspire de ces contemporains ou de ceux qu’ils admirent : Max Stern, Miro, Arp… mais aussi Johannes Vermeer, Jérôme Bosch, Albrecht Dürer, Goya, Picasso, Bruegel… Les 96 œuvres de l’exposition passent en revue Tout Dali : films, peintures, sculptures, dessins, gravures, photographies, interviews avec sa voix à nulle autre pareille… Le Rhinocéros devient l’animal primordial avec sa corne qui pour Dali, symbolise la courbe de Fibonacci, le Nombre d’Or qu’il a toujours recherché dans ces multiples formes d’expression. Après ces années surréalistes et sa rupture (pour des préoccupations historiques) avec Breton qui l’appellera « Avida Dollars » pour caricaturer son amour de l’argent, il faut se pencher sur sa collaboration avec Buñuel qu’il a rencontré lors de ses études à l’école des Beaux-Arts de Madrid. « Un Chien Andalou » a été écrit à quatre mains en 1929 et reste à ce jour, n’en déplaise à Breton, le plus grand film surréaliste. Puis, en 1930, ce sera « L’âge d’or », autant d’œuvres abordées à la Galerie Lympia. L’animalité est toujours traversée chez Dali par des éléments psychanalytiques. Dans les années 30, il partira à la conquête de l’Amérique et de New-York en particulier. Il va foisonner d’idées de films, de décors d’opéras, d’œuvres mythiques comme le canapé rouge en forme de la bouche de Mae West… C’est à cette époque qu’il rencontre le photographe, Philippe Halsman, avec qui l’osmose sera immédiate. Cela donnera un livre, « Dali’s Mustach », une interview photographique publié en 1954, et un film, « Chaos & Creation » réalisé en 1960. Au total, 37 ans de collaboration. Le tableau, « Dali Atomicus » symbolise toutes les obsessions de l’artiste : autoportrait à l’œuvre devant son chevalet, chats, eau, chaise en lévitation… Son animal totem ? Le cochon parce qu’il farfouille comme… Dali.
« Une injustice de 50 ans réparée »
La sexualité voire l’érotisme sont au cœur de son œuvre. Pas étonnant que la tauromachie et la mythologie grecque se côtoient vers la fin de son parcours artistique. Le vice-président, Auguste Vérola, délégué à la culture, a parlé de « rêve éveillé »… de « faille dans le réel »… du « temps qui se liquéfie »… des « montres qui fondent au soleil ». Dali se considérait comme un être mou, le poulpe est aussi un animal, mollusque emblématique… tout comme les escargots… L’élu a déclaré : « Avec lui, la femme devient une déesse aux mille métamorphoses » comme cette Vénus à tiroirs… Quant à Eric Ciotti, député et conseiller départemental, président de la commission des finances, « le maître de Figueras (NDLR : là où il est mort en Espagne et où il y a son musée aujourd’hui) travaille sur la persistance de la mémoire d’un amoureux de la Côte d’Azur, une terre bénie des dieux… Son bestiaire singulier est lié à l’irrationnel, à ces hallucinations, à son sentiment religieux qui ne l’a jamais quitté… Nous avons réparé une injustice de 50 ans d’absence d’exposition, lui qui adorait la Côte d’Azur… ». Jusqu’au 23 novembre, il y aura des ateliers, des visites guidées, des conférences…
De 1904 à 1989, Dali a ébloui le monde et son monde. Avec Gala, sa muse, il a changé l’Art et la vision que chacun s’en faisait. Révolutionnaire Dali ? Assurément, mais pas de gauche, jamais. Il était trop religieux, trop individualiste, trop intelligent, trop Tout. Salvador Dali, c’est la réincarnation d’un artiste polymorphe qui tutoie les étoiles. C’est DALI, quoi !
Pascal Gaymard
Infos : 04 89 04 53 10 ou espacelympia.departement06.fr