La filleule d’Alain Delon, était plus que légitime pour retracer la vie de Florence Arthaud. Outre le fait qu’elle était sa meilleure amie, Géraldine Danon, elle a été la compagne du navigateur, Titouan Lamazou, puis depuis 2006, d’un autre navigateur, Philippe Poupon. Celle qui a tourné avec Alain Delon, Gene Hackman, Jeanne Moreau, Michel Piccoli, Michel Serrault, ou Jacques Villeret, est enfin passer à la réalisation et le résultat est bluffant. On vit la Route du Rhum en 1990 avec Flo, une femme libre au caractère trempé dans les lames de l’Océan… Retour sur une double rencontre particulièrement vivifiante.
Le Petit Niçois : Quid de votre soirée d’hier à La Petite Maison ?
Géraldine Danon : On a tout mangé, beignets de courgettes, pâtes aux truffes, sole, loup… Aujourd’hui, je digère… Florence (Arthaud) qui était une bonne vivante aurait adoré être avec nous…
LPN : Comment avez-vous pensé votre film ?
GD : Jamais comme un film sur la voile ! Je suis femme de navigateur, j’ai passé beaucoup de temps sur la mer. Ce film est comme mon 4ème enfant (après Loup, Marion et Laura). Tous les autres films après n’auront pas la même saveur. J’ai pensé à Florence, à ce qu’elle me disait… Au film qu’elle voulait qu’on tourne sur sa vie. Elle était une femme d’avant-garde, une visionnaire, et mon amie depuis les années 80. Elle aimait beaucoup se raconter, transmettre, partager. J’avais la même envie qu’elle. Si j’ai écrit des livres sur la mer, sur mes voyages, sur mon ressenti, c’est toujours en pensant à elle. Sa disparition en 2015 dans cet accident d’hélicoptère (avec Camille Muffat) a été une tragédie dont je ne me suis jamais remise… Elle avait accepté de participer à cette émission de télé-réalité, « Dropped », afin de financer le projet qui lui tenait à cœur : L’Odyssée des Femmes. C’était une couse au large de la Méditerranée destinée et réservée qu’aux femmes navigatrices…
LPN : Quel rapport avec le livre de Yann Queffelec, La Mer et au-delà ?
GD : J’ai d’abord écrit le scénario toute seule à partir du livre de Yann (Queffelec) mais aussi en y associant mes propres souvenirs avec elle. Je voulais retrouver son parfum, sa profondeur d’âme, la retrouver en mettant sa vie en résonnance avec la mienne. Après seulement, je l’ai envoyé à Yann. Nous avons eu de nombreux échanges par courriel. Nous nous sommes très bien entendus. Nous étions sur la même longueur d’ondes. Avec les mêmes affinités. Nous voulions raconter la même personne, un couple à trois où nos vies étaient en fusion. Cela a été très enrichissant pour moi.
LPN : Et pour vous Stéphane ?
Stéphane Caillard : J’ai beaucoup appris sur Florence Arthaud. Je me suis rendu compte qu’elle était archi-adorée par de nombreuses personnes. Elle fascinait le cœur des hommes. Je me suis plongé aussi dans le monde des navigateurs. Philippe Poupon a été un bon prof pour que je comprenne le rapport de Florence avec les routes qu’elle a prise en mer. J’ai rencontré un grand nombre de personnes qui l’ont bien connue. Cela a été un travail perpétuel d’un an…
LPN : Et le tournage ?
SC : 60 jours, 58 précisément. C’était un voyage, une grande aventure avec une équipe agréable vraiment concernée par le sujet, avec beaucoup de marins… Cela a été long, endurant, à la hauteur de ce que je m’attendais et que je voulais faire. La plus dure scène a été celle où j’ai grimpé en haut du mat. Mon rapport à la mer n’a jamais été solitaire puisque nous avions toujours l’équipe avec nous, même réduite.
LPN : Et pour vous, ce tournage ?
GD : ce film est entré en résonnance avec moi, avec la personne que je suis, extériorisée comme elle, la même façon de ressentir les choses. Ce film était une partition, un rythme, un aspect spectaculaire aussi. Même nécessité d’être présent, ici et maintenant. Je vis comme ça. Je suis une boulimique de la vie. Florence aimait la vie, les hommes, bien manger, faire la fête, comme moi…
LPN : Que gardez-vous comme souvenir de votre projo au cinéma de la Plage lors du Festival de Cannes ?
GD : Je trouvais ça cohérent. Elle était une femme du Sud. Tout a commencé pour elle à Antibes. La Méditerranée était son jardin préféré qui a failli l’emporter en 2011 quand elle a failli se noyer au large de la Corse. Elle vivait à Marseille. Jouer avec la mort, n’avoir peur du danger, se sentir vivant en naviguant dans des lieux inhospitaliers comme les Pôles… La mort et la vie sont liées, se confondent…
LPN : Vous avez tourné des images très fortes…
GD : Le cinéma n’est pas le documentaire. Tout devait être vrai. Il me fallait des images fortes. Des anecdotes pour renforcer mon propos. Des marins m’ont dit qu’ils avaient rarement vu des images aussi fortes, authentiques… J’ai cherché des gros temps en Guadeloupe ou au large de la Bretagne, la météo a été trop clémente… C’est au Frioul que j’ai trouvé mon mauvais temps…
LPN : Et vous Stéphane, quelle responsabilité portez-vous pour FLO ?
SC : Responsabilité ? Pas la mienne ! Les choses viennent autant de moi que de Géraldine. La pression était sur ses épaules… J’ai toujours été encouragé par les amis de Flo, l’équipe, les marins… Je voulais être le plus à l’aise possible, le plus libre… C’était une femme tant aimée, admirée, il me fallait ses postures, sa voix, ses gestes…
GD : Il y a eu un gros travail en amont. Flo est entrée dans le corps de Stéphane, elle s’est incarnée par et dans elle.
SC : Les témoignages ont été vraiment très importants. Je me suis nourrie de sa voix, des mots des marins qui l’ont connue comme Monnet, Kersauzon, Poupon, Lamazou…
GD : Nous avons fait de multiples lectures avec les comédiens dont Charles Berling qui a bien connu Florence. Il y avait aussi mon fils Loup qui a joué le rôle de son père Titouan Lamazou. J’ai choisi les marins que je préfère…
LPN : Et la Bande Son ?
GD : Je voulais Un Forban va mourir… « Vins qui pétillent, Femmes gentilles, Sous des baisers brûlants d’amour, Plaisirs, batailles, Viv’ la canaille, Je bois, je chante, Et je tue tour à tour »… Tout un programme ! C’est l’un des chants de marins que je préfère. Il y a aussi des expressions, celle de Philippe Riguidel : « Les patates au beurre, il n’y a rien de mieux ! ». Ou encore « A marée basse ». Pour « mon vieux saumon », le surnom donné par son frère, Jean-Marie, je l’ai préféré à « vieux bouc » comme il l’appelait. Pour la musique originale, j’ai fait confiance à Adrien Benkemoun. Ma seule espérance ? Vivre une vie d’orgies !
LPN : Qu’est qui est vrai ou faux dans votre film ?
GD : Quand j’ai changé la réalité, c’est pour le film. Mais l’esprit est fidèle à Florence. C’est bien Kersauzon qui lui a annoncé qu’elle avait gagné la Route du Rhum alors que son matériel avait lâché. Pas par bateau mais par hélico… La plus belle remarque d’un spectateur ? « Florence m’a donné envie de vivre plus fort, de vivre mes rêves… ».
SC : Les jeunes peuvent trouver des espérances. C’était une femme libre, qui n’était affiliée à aucun mouvement. Le MLF à l’époque l’avait approchée… Il n’était pas une militante. Elle peut provoquer un vrai apaisement, une vraie motivation, un souffle ou un chagrin… C’est un très beau portrait de femme.
GD : Beaucoup de choses traversait Florence. Chacun y trouvera son endroit. Ce film m’a donné de la force…
LPN : Vos projets ?
GD : J’ai terminé la version 1 de Femmes du bout du monde. J’espère tourner l’été prochain en Nouvelle-Zélande.
SC : Le 16 septembre prochain, je débuterais sur les planches au Théâtre Marigny pour Rui Blas avec Kad Merad, et Jacques Weber qui en assurera aussi la mise en scène. Je ne pouvais pas tourner un nouveau film après FLO. Il faut que je digère, que je le repense…
Propos recueillis par Pascal Gaymard