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ANALYSE DU PALMARES DU 71e FESTIVAL DE CANNES : Entre regrets et remords…

Les années se suivent au Festival de Cannes et ne se ressemblent et tout le monde n’est pas Pedro Almodovar avec son Palmarès exemplaire.

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Manifestement, Cate Blanchett avait tout donné lors de la montée des Marches des 82 femmes qui lui a servi de tribune pour le mouvement, Me Too, et évoquer l’égalité des femmes au cœur des débats de cette 71e édition…

LETO et EN GUERRE, les grands oubliés…

Pour le reste, certains attendaient une palme féminine, elle n’a pas eu lieu… Et c’est finalement le très sage mais néanmoins intéressant Japonais, Hirokazu Kore-Eda qui l’a emporté avec Une Affaire de Famille. Ce n’est pas son plus grand film, cela est une évidence. Mais surtout, il y avait tellement d’autres films bien plus puissants, fascinants, captivants que cette histoire de famille recomposée vivant de vols dans les supermarchés. Comment un film comme LETO (L’été) du Russe, Kirill Serebrennikov, assigné à résidence à Moscou, n’est pas au Palmarès alors qu’il avait enchanté critiques et public cannois ? La naissance du rock alternatif dans l’URSS de Staline était particulièrement jouissive, tant dans le propos que dans son traitement à l’image. Du grand art. Et que dire de son petit frère Polonais, COLD WAR de Pawel Pawlikowski qui repart avec un prix de la Mise en scène alors que sa sublime histoire d’amour fusionnel derrière le rideau de fer sur 40 ans aurait mérité mieux ? Enfin, pourquoi le très fort film militant de Stéphane Brizé, EN GUERRE, n’a-t-il pas été retenu alors même que Robert Guediguian était membre du Jury ? Stéphane Brizé renvoie un Ken Loach à ses chères études et signe une œuvre qui dit tout de la violence de la mondialisation et des difficultés pour un syndicaliste de négocier avec un patron qui vire 1100 salariés alors même que l’entreprise est florissante mais pas assez pour les actionnaires…

Les scandales du Livre d’Images et d’Ayka…

Après, qu’un Spike Lee apparaisse en Grand Prix du Jury avec Blackkklansman, n’a rien d’illégitime. Il est revenu avec un film important qui prouve qu’il n’a rien perdu de son talent, ni de son humour. Idem pour le prix du Jury pour Capharnaüm de Nadine Labaki même si le sujet était traité de manière trop sirupeuse pour certains. Trop de pathos tue l’émotion. Rien à dire aussi pour le prix d’interprétation masculine à l’excellent acteur Italien, Marcello Fonte dans DOGMAN qui n’osait pas prendre son prix que lui tendait son compatriote, Roberto Benigni, qui a encore fait le show. Quant au double prix du Scénario remis à Alice Rohrwacher pour Heureux comme Lazzaro et à Jafar Panahi pour Trois Visages, tous deux pouvaient s’attendre à mieux au vu de la qualité des œuvres proposées… Non, le vrai scandale est ailleurs. Pour le prix d’interprétation féminine remis à Samal Yeslyamova pour le plus mauvais film vu en Compétition, Ayka… Cette Rosetta encore plus misérabiliste dans le froid moscovite, montré en fin de Festival, a fini de nous refroidir totalement sur les goûts de ce Jury. Et que dire de cette Palme d’Or spéciale et bâtarde remise au Livre d’Images de Jean-Luc Godard, un film honteux qui fait l’apologie des bombes et de l’utilisation de la violence, seule capable de créer des révolutions que l’auteur appelle de ses vœux… Alors entre regrets et remords, cette 71e édition qui avait si bien commencée avec le sublime Yomeddine, lui aussi oublié, et qui aurait mérité une Caméra d’Or du Meilleur Premier Film, aura laissé bien des frustrations… comme sans doute à certains membres du Jury au vu de l’expression de leurs visages pendant la cérémonie…
Pascal Gaymard